Par Mary-Sol MICHEL, Directrice de la Gestion sous mandat
Comment ont évolué les marchés financiers sur le mois de mai ?
Mary-Sol MICHEL : Après la correction d’avril, les marchés ont retrouvé le chemin de la croissance et ont battu des records. Mais cette reprise est essentiellement tirée par les Bourses américaines et, tout particulièrement, par le secteur de la technologie. Ainsi, tandis que le CAC 40 fait du sur-place (+0,1 %), pénalisé par la sous-performance des valeurs du luxe, le S&P 500 progresse de 4,8 % sur le mois et le Nasdaq de 6,9 %. Au sein du secteur technologique, il faut de surcroît isoler le cas particulier du segment des semi-conducteurs qui continue d’enregistrer des progressions spectaculaires.
Comment expliquez-vous ce fort rebond ?
Mary-Sol MICHEL : Il est principalement le reflet de publications de résultats de bonne facture des deux côtés de l’Atlantique pour le premier trimestre. Les entreprises continuent à adopter un ton positif pour l’ensemble de l’année. Ainsi, après une année quasiment blanche en 2023, les bénéfices sont attendus en hausse cette année, de 4 % pour l’Europe et de 10 % pour les Etats-Unis. Du point de vue microéconomique, on constate donc que l’activité accélère, ce qui constitue un fort soutien pour les marchés. Sur le plan macroéconomique, la resynchronisation de la croissance mondiale se poursuit, ce qui est également un facteur positif. En Europe, les indicateurs avancés d’activité se redressent, y compris pour le point faible du continent, à savoir son secteur manufacturier, qui demeure toutefois toujours en zone de contraction. Les prévisions de croissance pour 2024 ont été relevées de 0,6 à 0,9%. En parallèle, l’économie américaine, tout en restant sur son chemin de croissance, laisse apparaître des signes d’essoufflement, avec des indicateurs avancés qui se dégradent légèrement. La Chine, enfin, poursuit son rebond, à la faveur des mesures de relance – somme toute modérées – menées par le gouvernement.
Qu’en est-il de la lutte contre l’inflation ?
Mary-Sol MICHEL : En Europe, l’inflation est légèrement repartie à la hausse en mai, atteignant 2.6%. La chute est néanmoins spectaculaire depuis un an, ce qui a permis à Christine Lagarde de baisser les taux directeurs de la BCE de 0.25% le 6 juin, devançant, une fois n’est pas coutume, la Fed ! Aux Etats-Unis, l’inflation a recommencé à refluer, mettant fin à trois mois d’augmentation, ce qui a entraîné une détente des taux longs et un rebond de l’euro face au dollar. Néanmoins, il faudra encore plusieurs statistiques favorables pour que la FED puisse passer à l’action et entamer son mouvement de baisse des taux. Ceci ne devrait pas intervenir avant la rentrée.
Dans ce contexte, quelles sont vos perspectives pour les semaines à venir, et notamment pour la période estivale ?
Mary-Sol MICHEL : Après un début d’année positif sur les marchés, nous estimons que les facteurs positifs et les points négatifs se compensent. La resynchronisation des économies et la modération de l’inflation sont des signaux positifs, de même que les bons résultats des entreprises. Mais ce dernier soutien est déjà en partie intégré par les marchés, dans l’attente de la prochaine saison de publications. Au contraire, les perspectives sont ternies par des valorisations supérieures à leur moyenne de long terme aux Etats-Unis, alors même qu’on aborde la période estivale, traditionnellement moins favorable sur les marchés. Enfin, le marché boursier américain est à deux vitesses : le secteur des technologies présente des niveaux de valorisation particulièrement élevés, même si cela traduit également une croissance de ses bénéfices au premier trimestre trois fois supérieure à la moyenne du S&P 500 ! Il est certain qu’avec l’Intelligence Artificielle, une révolution technologique en cours mais la concentration du marché sur ces thématiques apparaît comme un facteur de fragilité.
Nous continuons également de croire au potentiel des petites et moyennes capitalisations européennes : après deux ans de sous-performance, leur valorisation est inférieure à la moyenne de long terme. Ce sont des valeurs qui pourraient en outre bénéficier de l’inflexion de la politique monétaire de la BCE : composé d’entreprises souvent plus endettées à court terme que les grands groupes, ce segment de marché réagit en général positivement aux baisses de taux.