Le mois d’octobre serait celui de tous les dangers pour les investisseurs en raison du cuisant souvenir du krach de 1929 ou de de celui de 1987. Dans les faits, les marchés connaissent des chutes bien plus fréquentes en août : la crise financière asiatique en 1997, la crise des subprimes de 2008, la crise des dettes souveraines en Europe en 2021, la correction des marchés en 2015 avec l’annonce de mauvais résultats économiques en provenance en Chine. Plusieurs facteurs expliquent la malédiction du huitième mois de l’année. Les échanges sur les marchés étant réduits en raison des vacances estivales, la volatilité est plus forte. Avant d’amorcer la rentrée, toujours synonyme de tensions, les traders réalisent leurs plus-values durant l’été. En août, ces derniers peuvent s’appuyer sur les résultats du premier semestre des entreprises et sur leurs projections pour le second afin de réaliser des arbitrages.
En 2024, le début du mois d’août a été agité pour les marchés. Le lundi 5 août, l’indice phare de la bourse de Tokyo a reculé de 12,4 %, la plus forte baisse en points de son histoire. Le Topix, plus large, a chuté de 12,3 %. Le CAC 40 et le Dax allemand ont fini la journée en repli de 1,42 % et 1,82 %. Le « Footsie » britannique a cédé 2,04 %. A New York, le Nasdaq a perdu 3,43 % et le S&P 500 3 %. L’explosion du VIX, l’indice de volatilité des marchés américains, surnommé « indice de la peur », est monté, le 5 août, jusqu’à 65, un niveau atteint à deux reprises dans l’histoire récente, en 2020 au moment du krach du Covid et fin 2008, lors de la grande crise financière.
A l’origine de cette correction figure la dégradation du marché de l’emploi aux Etats-Unis. Vendredi dernier, le Département du Travail a fait état d’une hausse du chômage en juillet. En vertu de la « règle de Sahm », quand la moyenne des trois derniers mois du taux de chômage dépasse de 0,5 % son niveau le plus bas des douze derniers mois, l’économie américaine entre en récession. Or, ce chiffre a atteint 0,53 % en juillet. Le refus de la FED d’abaisser ses taux directeurs en juillet a renforcé les craintes des investisseurs. Alors que la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre (BoE) ont déjà assoupli leurs politiques monétaires, la Réserve fédérale américaine demeure la dernière grande banque centrale avec celle du Japon à ne pas avoir abaissé ses taux avec le risque d’arriver trop tard pour enrayer le refroidissement de la croissance américaine. La forte réaction du marché japonais est également liée à des facteurs internes. Les valeurs japonaises après des années de léthargies ont connu depuis un an une forte augmentation conduisant l’indice Nikkei à battre des records vieux de trente ans. Un ajustement était donc attendu.
Par ailleurs, la banque centrale japonaise entend normaliser sa politique monétaire qui est accommodante depuis les années 1990. L’augmentation de ses taux directeurs conduit à une appréciation du yen qui est jugée handicapante pour les exportations nippones. Après des mois d’engouement pour l’intelligence artificielle, les investisseurs révisent leur jugement. Forte consommatrice de capitaux, l’IA offre pour le moment des retours sur investissement faibles ou incertains. Les valorisations des entreprises de ce secteur apparaissent déconnectées des réalités. Les Sept Magnifiques ont cédé près de 18 % depuis le 10 juillet.
La baisse du 5 août était en grande partie excessive. La crainte d’une récession aux Etats-Unis apparaît, en l’état, exagérée. Assez logiquement, les marchés ont compensé la chute de lundi les jours suivants. Les pertes sur les cinq derniers jours sont de ce fait assez limitées, le CAC 40 ne reculant que de 0,25 %. L’indice allemande, Dax a même enregistré une hausse de 0,24 % sur la semaine. Le gain de l’indice européen Eurostoxx atteint plus de 3,5 %. Les indices américains ont réussi à se stabiliser sur la semaine.
Les places asiatiques ont en revanche était plus affectées par le coup de Trafalgar de lundi, le Nikkei japonais perdant 2,5 %.
Au cours de la semaine, le résultat des inscriptions hebdomadaires au chômage, aux Etats-Unis a rassuré les investisseurs. Elles sont ressorties à 233 000, soit 17 000 de moins que la semaine précédente et 7 000 de moins qu’attendu par le consensus Bloomberg. La semaine prochaine sera publiée une série d’indicateurs économiques concernant les prix américains. Le président de la Fed de Kansas City a déclaré que la baisse récente de l’inflation était encourageante, mais pas encore suffisante. Les investisseurs estiment que la FED baissera ses taux en septembre. Ils se partagent en revanche sur le montant de la baisse, 0,5 ou 0,25 point.