L’institut table sur une hausse du PIB de 0,2% au premier trimestre et au deuxième trimestre. Il faudrait donc 0,7% de croissance au troisième trimestre et aussi au quatrième trimestre pour atteindre 1% sur l’année.
Qu’est ce qui provoquerait l’accélération brutale de l’activité après l’été ? Pour être franc, on ne voit pas trop, surtout quand la politique budgétaire va devenir plus restrictive et donc moins soutenir l’activité. Si on s’en sort à 0,5-0,7% cette année, ce sera déjà très bien.
Liste des pays en récession
● Allemagne
● Danemark
● Estonie
● Finlande
● Irlande
● Japon
● Luxembourg
● Moldavie
● Pérou
● Royaume-Uni
La punchline de la semaine
La Banque Centrale Européenne met en garde contre le maintien d’une inflation élevée :
“La hausse des salaires devient un moteur d’inflation de plus en plus important”, selon Christine Lagarde.
Cela pourrait retarder l’amorce du cycle de baisse des taux en zone euro, qui est prévu pour le mois de juin par le consensus Bloomberg.
Cette année, la croissance en France ne devrait pas dépasser 1 %, contraignant le gouvernement à revoir ses prévisions à la baisse et à procéder à une annulation de crédits pour un montant de dix milliards d’euros afin de respecter – autant que possible – l’objectif de 4,4 % du PIB de déficit public. Le ralentissement de la croissance est imputé à la hausse des taux d’intérêt bien que les taux actuels ne diffèrent guère de ceux pratiqués les années précédant la crise de 2008/2009. Par ailleurs, comme la majorité des pays européens, la France ne fait que renouer avec la croissance lente qui les caractérisait avant la survenue de l’épidémie de covid-19, y compris sur la période 2015-2020 marquée par des taux directeurs nuls voire négatifs en zone euro. L’Europe est confrontée à une stagnation depuis une décennie, stagnation de nature avant tout structurelle.
La croissance économique repose sur plusieurs piliers : l’énergie, le travail, le capital et le progrès technique. En Europe, trois au moins de ces piliers sont défaillants. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la hausse des cours des hydrocarbures, l’Europe et, en premier lieu, ses États industriels ont perdu en compétitivité. La transition écologique impose de substituer aux énergies carbonées des énergies renouvelables qui, en l’état actuel des techniques, sont plus coûteuses. Le travail, facteur clef dans l’accroissement de l’activité, devient de plus en plus rare avec le déclin de la population active sur fond de vieillissement démographique. Les périodes de croissance interviennent en règle générale quand la proportion des 25/40 ans est importante. Le capital permet de démultiplier la force du facteur de travail en l’agrégeant et en rationalisant les processus de production. La révolution industrielle est avant tout la combinaison réussie du capital et du travail. Le premier facilite les investissements sur longue période et une large diffusion des biens et des services produits. En Europe, l’épargne est abondante, ce qui est logiquement favorable à l’accumulation du capital. Cependant, les placements privilégiés par européens ont tendance à peu profiter aux entreprises. En Europe, l’épargne est affectée avant tout au financement des dépenses courantes des administrations publiques. Par ailleurs, ces dernières années, une part non négligeable de cette épargne a été placée à l’étranger.
La combinaison capital-travail a besoin d’un autre élément difficile à cerner mais indispensable : le progrès technique. Celui-ci prend la forme de gains de productivité et de nouveaux produits ou services. La croissance est, en effet, une course permanente à l’efficience, à la meilleure utilisation possible des ressources rares. Plus largement, la croissance dépend de l’innovation qui structure tant l’offre que la demande. Elle répond à de nouveaux besoins autant qu’elle crée ces derniers. Elle est le moteur de la destruction créatrice chère à Schumpeter. Or, en Europe et en France, tout particulièrement, la productivité décline depuis près de sept ans. Les raisons de cet inquiétant recul sont multiples : insuffisance de la recherche et développement, vieillissement de la population, moindre appétence au progrès technique, changement du rapport au travail. L’innovation, par ailleurs, mobiliserait des montants plus importants de capitaux que les entreprises européennes peinent à attirer. En l’absence de gains de productivité, avec l’attrition de la population et un déficit de capital productif, la croissance ne peut être que faible. Les autorités allemandes en sont convaincues au point d’avoir prévu que la croissance ne dépassera pas 0,5 % par an Outre-Rhin jusqu’en 2028.
La faible croissance ou la décroissance est un enfer car antinomique de l’économie contemporaine. Avec une soif légitime à l’égalité et une augmentation rapide du nombre de retraités, les besoins à combler en Europe sont importants. Ils le sont encore plus à l’échelle mondiale. La population française a toujours comme référence une croissance de 3 % générant d’importants gains de pouvoir d’achat. En son absence, les pouvoirs publics ont accru les dépenses publiques depuis quarante ans, et en premier lieu celles de nature sociale au prix d’un déficit et d’un endettement croissants. Les politiques keynésiennes ont été détournées de leur objet pour devenir des béquilles économiques permanentes. Initialement, elles devaient simplement permettre, de manière temporaire, de relancer une demande défaillante, le surcroît de croissance ainsi généré permettant de les financer. Or, la mise sous respiration artificielle permanente de l’économie ne peut que conduire à des problèmes de financement. Dans l’histoire économique, de l’Antiquité à la Grève en 2012 en passant par la France de 1797, aucun pays ne peut soustraire indéfiniment au respect des règles financières. Un cycle d’endettement qui ne génère pas de croissance pose à un moment ou un autre problème. Pour certains, la réponse passe par une augmentation des prélèvements obligatoires et notamment de ceux des plus aisés. La progression de la valorisation des actifs financiers et immobiliers suscite des convoitises d’autant plus que, dans un certain nombre de cas, le recours à des montages fiscaux permet à certains contribuables d’échapper en partie à l’impôt.
En la matière, les amalgames sont nombreux. Les évaluations de marché d’un capital sont assimilées, à tort, à des enrichissements ou à des revenus. Taxer des plus-values non réalisées des milliardaires ferait sans nul doute plaisir à de nombreuses personnes mais ne changerait pas la donne pour les finances publiques. Cela réduirait, en revanche, le volume de capital des pays qui pratiqueraient de la sorte. Avec un taux de prélèvements de 45 % du PIB, les marges de manœuvre de la France sont faibles. Toute augmentation suscite l’ire des contribuables et oblige les gouvernements à instituer des dérogations. Or, un système fiscal équitable est celui qui impose selon des règles connues et compréhensibles de tous, des plus modestes aux plus aisés. Il se doit d’être le plus neutre possible sur le plan économique, ce qui signifie l’absence, autant que faire se peut, des dispositifs exorbitants du droit commun qui prennent la forme de niches fiscales. L’autre voie possible pour équilibrer les comptes publics serait la réalisation d’économies. Or, en la matière, cette voie est remplie d’épines. Toute décision de réduction d’une dépense constitue un véritable chemin de croix, comme l’avaient prouvé les polémiques sur le passage à un euro de la franchise médicale ou la réduction de cinq euros de l’Aide personnalisée au logement (APL).
La stagnation séculaire ne peut pas être acceptée comme une fatalité car elle se transformerait rapidement en régression et pourrait provoquer des tensions tant entre les États qu’en leur sein. Pour échapper à cette malédiction, les solutions passent notamment par un effort accru en matière de formation et de recherche, par l’amélioration de la culture scientifique pour développer une plus grande ouverture au progrès technique accompagnée de l’abandon des pratiques malthusiennes, par la création d’un vaste marché unifié des capitaux en Europe, et par la restauration de la confiance.
Pourquoi investissement et croissance ne font plus bon ménage en zone euro ?
Une augmentation du taux d’investissement est censée favoriser celle de la croissance. L’investissement est un des moteurs de la croissance avec la consommation et le commerce international. Ce moteur est d’autant plus puissant qu’au-delà de son action sur la demande intérieure, il contribue à accroître l’offre. Pour autant, si dans la zone euro, le taux d’investissement est en augmentation depuis plusieurs années, son effet sur la croissance n’est pas manifeste, à la différence de ce qui est constaté aux États-Unis.
Le taux d’investissement (en valeur) des entreprises au sein de la zone euro est passé de 11 à 12,8 % du PIB, entre 2015 et 2023. Pour la France, les chiffres sont de 11,5 et 13,8 %. Cette progression a été facilitée par la baisse des taux entre 2015 et 2022 et par les aides des États membres de la zone euro. Par ailleurs, elle n’a pas eu d’effets positifs sur la croissance (en ne tenant pas compte de la période covid 2020/2021), restée étale. La production industrielle n’a pas connu d’augmentation. Celle de la zone euro a augmenté de 2 % quand celle de la France a baissé de 2 % entre 2015 et 2023. La hausse de l’investissement s’est, de son côté, accompagnée de celle de la profitabilité des entreprises. Les profits après taxes et dividendes sont passés de 12 à 13 % du PIB dans la zone euro et de 10,5 à 12 % du PIB en France.
L’absence d’effet de la progression de l’investissement sur l’activité tiendrait à ce que ce dernier n’accroît pas les capacités de production et génère, en l’état, peu de gains de productivité. Une part non négligeable, en particulier en France, de la hausse de l’investissement est liée à l’achat de logiciels. Les entreprises européennes ont rattrapé un retard par rapport aux États-Unis et aux pays asiatiques. Le taux d’investissement dans les logiciels est passé, de 1999 à 2023, en France, de 2 à 4 % du PIB et de 1 à 2 % en zone euro. Les entreprises européennes ont, par ailleurs, une consommation de capital fixe plus élevée depuis une vingtaine d’année et surtout depuis 2015. Elle est passée, pour la zone euro, de 8,5 à 11 % du PIB et de 8,2 à 11,6 % du PIB en France. Cette consommation importante du capital correspond à son obsolescence plus rapide. Les entreprises sont contraintes de renouveler plus fréquemment leurs équipements que dans le passé sans que cela se traduise par une hausse de la production. La transition énergétique y contribue. Les entreprises sont amenées à réaliser des investissements afin de se conformer aux nouvelles normes environnementales. Ces investissements peuvent remplacer des équipements non totalement amortis et ne génèrent alors pas ou peu de gains de productivité.
Le surcroît d’investissement en zone euro ne génère pas, pour le moment, une hausse de la croissance car il est avant tout un investissement de renouvellement et de confort. La réalisation de nouvelles usines, que ce soit pour les batteries ou les microprocesseurs, pourrait avoir un effet sur l’activité, sous réserve que les prix de production soient corrects et que la demande soit au rendez-vous.
Les chefs d’entreprise, en février, un peu plus pessimistes en France
Dimanche 18 février, le Ministre de l’Économie a revu à la baisse la prévision de croissance retenue par le gouvernement pour 2024. Le taux de croissance retenu est désormais de 1 % et non plus 1,4 %. Cette prévision reste relativement optimiste par rapport à celles des instituts économiques qui tablent en moyenne sur une croissance comprise entre 0,6 et 0,9 %. La révision du taux de croissance induit potentiellement une hausse du déficit public en minorant les recettes et en exposant à une progression des dépenses sociales. Face à ce risque de dérapage, le ministère de l’Économie a procédé à une annulation de crédits de 10 milliards d’euros, annulation qui a fait l’objet d’un décret le jeudi 22 février dernier.
La France n’est pas la seule à revoir sa croissance à la baisse. Le gouvernement allemand a diminué sa prévision de 1,3 % à 0,2 %. Selon un rapport ministériel publié mercredi 21 février, il estime que la croissance moyenne sera de 0,5 % par an jusqu’en 2028. Cette faible croissance serait la conséquence d’une diminution de la population active et de faibles gains de productivité. L’économie allemande doit faire face à une énergie devenue plus chère, au ralentissement du commerce international et aux tensions commerciales avec la Chine ainsi qu’avec les États-Unis.
Dans ce contexte, le moral des chefs d’entreprise est en baisse en février. L’indicateur sur le climat des affaires calculé par l’INSEE a, en effet, diminué d’un point en février et reste au-dessous de sa moyenne de longue période. Cette légère dégradation résulte principalement de la détérioration de la situation conjoncturelle dans les services et dans le commerce de détail (y compris commerce et réparation d’automobiles). Assez étrangement, au vu des nombreux articles concernant la crise du logement, dans le bâtiment, l’indicateur de climat des affaires est stable, au-dessus de sa moyenne. L’activité reste soutenue dans le second œuvre, la profession devant toujours faire face à des pénuries de main-d’œuvre. Dans l’industrie, le climat des affaires s’améliore un peu et retrouve sa moyenne, grâce à la bonne tenue des soldes d’opinion sur la production prévue et les carnets de commandes, globaux comme étrangers.
En février, l’indicateur synthétique de climat de l’emploi s’améliore. À 101, il gagne deux points par rapport à janvier et repasse au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Cette amélioration résulte du net rebond du solde d’opinion sur l’évolution à venir des effectifs dans les services (hors agences d’intérim), contrebalancé néanmoins partiellement par le recul de ce même solde dans l’industrie manufacturière et de celui sur leur évolution récente dans le commerce de détail.