Par Claudia Panseri, Chief Investment Officer, UBS WM France, UBS Europe SE, Succursale de France
L’attaque contre l’Iran, intervenue après l’échec apparent des négociations menées sous la houlette des États-Unis pour freiner le programme nucléaire iranien, marque le début d’une nouvelle escalade au Moyen-Orient. Les affrontements de l’an dernier entre Israël et l’Iran n’avaient pas été suivis d’une escalade généralisée. Mais cette fois-ci, les risques d’un conflit régional plus large sont à évaluer en fonction de l’ampleur de la contre-attaque immédiate iranienne, de la perspective de nouvelles frappes israéliennes et de l’implication potentielle des États-Unis
Les tensions géopolitiques ont toujours jalonné l’histoire. Un nombre croissant d’études académiques souligne l’influence des chocs de risque géopolitique sur l’activité économique et l’inflation (Caldara et Iacoviello, 2022 ; Caldara et al., 2022). Cependant, l’ampleur exacte de cette influence, ainsi que les mécanismes par lesquels les chocs de risque géopolitique se transmettent à l’économie, restent des sujets d’étude en cours. Les chocs de faible importance peuvent entraîner des conséquences relativement limitées en raison du caractère localisé des événements et de leur faible répercussion à l’échelle mondiale, ce qui suggère que les économies ne s’écartent pas significativement de leur trajectoire de long terme après de tels chocs. À l’inverse, les chocs de grande ampleur peuvent avoir un impact beaucoup plus important sur l’économie mondiale, notamment en raison d’effets entraînant des perturbations économiques substantielles et généralisées. Par ailleurs, la compréhension des canaux de transmission des chocs de risque géopolitique demeure complexe, en raison de leur nature hétérogène. Cela s’explique en grande partie par la diversité intrinsèque des événements géopolitiques, qui peuvent activer différents canaux de transmission économique et générer des impacts variés.
Comment analyser le risque géopolitique et son impact économique ?
Pour retenir l’attention des investisseurs mondiaux, un risque politique ou géopolitique doit :
1. Avoir un impact sur l’environnement économique d’un pays majeur
2. Menacer l’approvisionnement mondial d’une ressource essentielle, comme le pétrole ou le gaz. En 1973, l’embargo pétrolier des pays du Golfe a entraîné la plus forte vague de liquidations au sein du S&P 500 et la plus lente remontée des marchés actions depuis la Seconde Guerre mondiale en réduisant l’offre d’une ressource essentielle pour l’activité économique. Le conflit entre la Russie et l’OTAN au sujet de l’Ukraine a fait craindre des perturbations d’approvisionnement en énergie, la Russie étant le deuxième producteur mondial de gaz naturel et le troisième producteur mondial de pétrole. Avant le conflit, elle fournissait également environ 40 % du gaz naturel importé en Europe. La guerre entre Israël et le Hamas a fait craindre une baisse de la production de pétrole, notamment par propagation du conflit à des pays voisins producteurs de pétrole brut.
3. Être susceptible de perturber les échanges commerciaux internationaux, ce qui est le cas de l’actuelle politique commerciale du président américain Donald Trump.
Quelles conséquences pour les investisseurs ? De façon générale, les risques politiques et géopolitiques peuvent ralentir l’activité économique et donc diminuer les rendements des investissements. Cependant, il est important de les placer dans leur contexte : les investisseurs doivent faire la distinction entre les événements isolés (a priori mineurs) et les vrais changements (à effet continu). Lorsque des événements ont un faible impact sur l’économie mondiale, sur les ressources vitales ou sur les échanges commerciaux, leurs effets sont généralement de courte durée.
Nous constatons que les événements géopolitiques n’ont habituellement pas d’impact durable sur la performance des actions. Les indices actions subissent traditionnellement une baisse brutale après l’évènement mais l’analyse historique montre que, sauf si l’événement entraîne un choc économique majeur ou un conflit prolongé, les indices retrouvent généralement leur niveau d’avant-crise en quelques semaines ou quelques mois. Après le 11 septembre 2001, l’indice S&P 500 des actions américaines avait chuté d’environ 12 % la semaine suivant les attentats, mais avait retrouvé ses niveaux en un mois. En 1990-1991 pendant la Guerre du Golfe, le S&P 500 était revenu à son niveau initial en six mois. Les conflits prolongés ou en escalade ont un impact plus important et plus durable. Comme nous l’avons mentionné, les événements affectant l’offre de pétrole ou le commerce mondial peuvent avoir un effet plus marqué. Dans ces cas, les interventions des banques centrales et des gouvernements peuvent contribuer à stabiliser les marchés.
Comment se prémunir contre les risques géopolitiques ? Même si les marchés mondiaux se remettent en général assez vite de la plupart des chocs politiques ou géopolitiques, les investisseurs sont généralement prompts à chercher une atténuation de la volatilité de leurs portefeuilles. Malheureusement, il n’existe pas de système de couverture unique qui soit adapté à tous les investisseurs. Connaître la nature de la crise en amont serait le seul moyen d’établir une couverture parfaite, ce qui est évidemment impossible. Les investisseurs peuvent tout de même appliquer ces principes généraux : diversifier les portefeuilles sur le plan géographique.
Dans la plupart des cas, les crises ont plus d’impact sur certains pays que sur d’autres. Envisager une exposition aux actifs refuges. Par exemple, l’or, le franc suisse, le yen, les bons du Trésor américain, les actions à faible bêta et certaines stratégies de hedgefunds représentent les principaux actifs refuges. Cependant, les actifs refuges ne constituent pas une catégorie immuable. Par exemple, si une crise politique menace de faire grimper en flèche les prix de l’énergie, et donc l’inflation, sans toutefois risquer de provoquer un basculement vers la récession, les obligations d’État de haute qualité ne sont plus forcément la meilleure protection. En revanche, faire une sélection d’instruments défensifs apporte déjà une diversification en soi et peut permettre de réduire la volatilité.