Balyo est une société française, créée en 2005, qui a développé un concept de module de navigation, caractérisé par une technologie intelligente unique et innovante qui transforme les chariots électriques standards en robots intelligents autonomes.
Après avoir déployé plusieurs centaines de robots intelligents auprès d’acteurs majeurs de la manutention et de la logistique, la société décide de s’introduire en bourse en 2017 (Euronext, Paris).
L’introduction en bourse est un succès et permet à Balyo de lever près de 50 millions d’euros à un prix de 4,11 euros par action auprès de petits porteurs et investisseurs majoritairement français souhaitant soutenir une société française et prometteuse dans un domaine de pointe.
Malgré des marques d’intérêts de géants de la logistique, tel qu’Amazon, la Société ne parvient à atteindre ses objectifs de croissance et le cours de l’action s’effondre.
Le 19 septembre 2023, une offre publique d’achat initiée par le fonds SVF II Strategic Investments AIV LLC, affilié à Softbank, visant les titres au prix de 0,85 euro par action ordinaire et est validée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). L’offre est restée ouverte du 21 septembre au 25 octobre 2023. Le prix de 0,85 euro par action ordinaire représente une prime de 57,4% par rapport au dernier cours de clôture avant l’annonce de l’offre au 12 juin 2023.
Générosité ou cupidité opportuniste ?
Un simple calcul montre qu’au prix de 0,85 euros par action les 36 millions d’actions permettent d’acquérir une technologie prometteuse pour 30 millions d’euros quand la société est à sa côte boursière historique la plus basse.
L’objectif pour le prédateur, Softbank, est de détenir plus de 90% de la Société pour pouvoir effectuer une Offre publique de retrait. Une fois sortie du marché le potentiel de la Société rémunérera le seul actionnaire restant au détriment des petits porteurs historiques.
L’OPA réalisée par Softbank est un échec, certains petits porteurs ne voulant pas constater leur perte et misant sur un redressement de la Société. Softbank ne détient alors que 71% de la Société.
Pourtant, l’annonce d’une Offre publique de retrait, gèle les transactions sur les actions qui ne peuvent évoluer à la hausse dans un contexte où un actionnaire détient une majorité absolue et a pour objectif de sortir la Société de la côte.
Les comptes financiers de l’exercice 2023 sont publiés et se veulent rassurants.
Softbank, actionnaire majoritaire prend les commandes et met en œuvre un plan de bataille visant à prendre en otage les petits porteurs restants :
– Softbank fait voter un plan d’émission d’obligations convertibles de 2 millions d’euros permettant une conversion en actions avec un discount de 10% par rapport au dernier cours du marché.
– En mars 2024, Softbank consent à la Société un prêt de €13,2m portant intérêt au taux de 10% annuel. La non-conversion de ce prêt en capital ayant des impacts sur la trésorerie de la Société puisque les intérêts devront être payés. Et s’ils venaient à être capitalisés, le taux annuel de 10% s’appliquera à la dette capitalisée ce qui sera très couteux.
– Une Assemblée Générale Extraordinaire est convoquée le 13 juin 2024 avec pour ordre du jour une délégation donnée au Conseil d’Administration de procéder à une augmentation de capital de 3.104.481 euros de valeur nominale. L’Assemblée Générale
mixte ayant auparavant fait voter que le nominal passait à 0,08 euros, cette délégation apparente de 3.104.481 euros correspondant, en fait, à une délégation de 38 millions d’actions nouvelles pour 36 millions d’actions existantes soit 50% de dilution et une augmentation de capital de 18 millions d’euros au cours du marché à la date d’émission, soit l’équivalent de la capitalisation boursière de Balyo.
– Cette même assemblée générale permet à l’actionnaire majoritaire de faire déléguer au conseil d’administration la possibilité de souscrire à 20 millions d’euros de dettes complémentaires.
– Dans le courant de l’été la société Balyo informe les actionnaires que les prises de commandes attendues sont décalées et que de ce fait les 8,6 millions d’euros de trésorerie disponibles fin 2023 ne permettront pas à la société de couvrir ses besoins en 2024. Pour autant, la Société annonce que les perspectives de commandes sont à la hausse mais trop tardivement…
– Au cours de l’été, une note d’information informe les actionnaires qu’une Assemblée Générale Mixte va être convoquée en octobre 2024 pour voter une augmentation de capital de 36 millions d’euros visant à convertir les 13 millions d’euros de dettes et les 2 millions d’euros d’obligations convertibles et à permettre aux actionnaires d’investir 20 millions d’euros complémentaires.
– Comble de l’opacité, le 3 octobre 2024, l’ordre du jour de l’Assemblée Générale Ordinaire est mis à disposition et exprime dans un jargon juridique incompréhensible pour un petit porteur qu’en complément des délégations votées le 13 juin 2024, il est demandé aux actionnaires de déléguer au Conseil d’Administration une émission complémentaire de 13 millions d’euros de nominal, ce qui correspond avec le délégation du 13 juin 2024 à l’émission de 200 millions d’actions correspondant à 98 millions d’euros d’augmentation de capital pour une capitalisation boursière de 17 millions d’euros au cours du 17 octobre 2024.
– En comme si cela n’était pas suffisant, l’AG prévoit de déléguer au Conseil le recours à la dette à concurrence de 100 millions d’euros complémentaires.
La société à son plus bas niveau d’activité ayant consommé moins de 10 millions d’euros de trésorerie 2024, comment justifier de ces 200 millions d’euros de délégation ?
Les petits porteurs ont réclamé à la Société une explication sur la disproportion entre les délégations soumises au vote (200 millions d’euros) et les besoins connus de la Société dans le cours actuel de son activité (10 millions d’euros).
Si ces besoins visent un investissement ambitieux pour financer un nouveau projet d’entreprise, il eut été nécessaire que le plan d’affaires et les informations ayant présidées
à la décision du Conseil d’administration, et donc de l’actionnaire majoritaire, soient partagées avec les petits porteurs.
Ce n’a pas été le cas. Et il convient de s’interroger sur la passivité de l’Autorité des Marchés Financiers sur ces pratiques prédatrices et à l’aveuglement de nos dirigeants sur le pillage de nos technologies. Ce qui nous rappelle la prise de contrôle par Softbank de la pépite française de la robotique, Aldebaran en 2012.
En mars 2012, après avoir investi pour détenir 80% de la société française Aldebaran Robotics, SoftBank s’empare de la société high-tech française qui conçoit les robots Nao et investit 100 millions d’euros dans la Société après avoir remercié son fondateur et PDG, Bruno Maisonnier, pour reprendre le contrôle.
Aldebaran Robotics a conçu avec l’aide de SoftBank le robot Pepper, après avoir créé seule Nao, une petite créature qui a séduit plusieurs centres de recherche et entreprises au Japon et dans des dizaines d’autres pays. La firme française a aussi donné naissance à un troisième robot appelé Romeo “destiné à approfondir les recherches sur l’assistance aux personnes âgées ou en perte d’autonomie”.
10 ans après, Softbank Group annonce le licenciement de la moitié des effectifs de sa filiale française Softbank Robotics Europe, à l’origine des robots humanoïdes programmables Pepper & NAO.
Réveillons-nous et défendons nos innovateurs et les petits porteurs qui prennent le risque de les financer.