Par Dominique Perrault Architecte
En septembre 2023 doit être livré le quartier qui accueillera le village olympique lors des 18 jours des Jeux Olympiques puis des 12 jours des Jeux Paralympiques.
Quelque 2400 logements et 119 000 m2 d’activités, bureaux, équipements ou services, vont voir le jour et former en Seine-Saint-Denis un nouveau morceau de ville intégré au Grand Paris et prêt à accueillir dès 2025 ses nouveaux habitants.
En septembre 2017, Paris fut choisie comme ville-hôte des Jeux olympiques de 2024, cent ans exactement après la précédente édition de cet événement dans la capitale française, en 1924. L’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine, désignée à la suite d’un appel d’offre lancé en février 2018 par la Solidéo, démarre les études à l’automne 2018. Ainsi avons-nous eu la chance de pouvoir poursuivre les réflexions déjà amorcées en 2016 lors de la candidature de Paris. Celles-ci ont permis de définir des ambitions du projet et leur traduction en actions concrètes, visant l’élaboration d’un plan-guide d’aménagement du Village, remis en décembre 2018. Point d’étape à partir duquel fonder un avant-projet, celui-ci est le fruit d’échanges réguliers avec la Solidéo, les services de Plaine Commune, les élus des communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île Saint-Denis, le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et les nombreuses partie-prenantes publiques et privées gravitant autour de la conception de ce projet urbain. De manière semestrielle nous l’actualiserons afin de suivre et d’accompagner les projets urbains et architecturaux, de concevoir la méthodologie du passage en mode héritage ainsi que la réversibilité de l’ensemble des typologies de bâtiments proposées.
L’objectif de ce projet est double et la démarche de conception inédite. Nous souhaitons constituer un quartier exemplaire à l’horizon 2025 et à plus long terme en 2050, capable d’offrir temporairement un accueil d’exception aux athlètes et à leurs délégations. Avant tout, la réflexion urbaine engagée est une réflexion de long terme sur la constitution d’un morceau de ville ancré sur son territoire et sa géographie. Le site choisi porte en lui le germe d’un projet qui ne se structure pas ex nihilo mais s’inscrit au contraire dans une histoire et des processus de mutations déjà engagés.
Notre réflexion prend ainsi place dans le cadre plus large d’une étude pour le développement de ce territoire de la Seine Saint-Denis, son usage olympique étant envisagé comme une étape intermédiaire, aussi marquante que ponctuelle. A ce titre les Jeux pourront jouer ce nouveau rôle d’accélérateur de développement pour tout un ensemble de secteurs du Grand Paris en pleine recomposition.
Nous espérons que le Village puisse devenir un exemple, celui d’une ville qui se transforme sur elle-même pour devenir métropole, une ville qui se nourrit de son héritage et explore ses atouts, géographiques, sociaux, culturels ou historiques, pour intégrer naturellement le Grand Paris.
Ouvert et connecté, le nouveau quartier « Pleyel – Berges de Seine » constituera sans aucun doute la pièce manquante d’un « archipel» de projets pensés en cohérence les uns les autres à travers la synthèse des études retranscrites dans le Contrat de Développement Territorial et dans les documents de planification de Plaine Commune.
Le Village n’est pas aménagé isolément de son contexte. Bien au contraire le projet vise une amélioration des interactions avec son environnement immédiat et l’ensemble de la métropole en s’appuyant au maximum sur l’existant. Les atouts du site sont multiples. Les 40 hectares dispersés sur les trois communes de l’Ile Saint-Denis, Saint-Denis et Saint-Ouen, seront proches de deux équipements majeurs des Jeux, le Stade de France et le futur Centre Aquatique Olympique. Le site bénéficiera en outre d’un accès direct à l’autoroute A86 et sera situé à 800 mètres de la nouvelle gare Saint-Denis Pleyel du Grand Paris Express, qui permettra de rejoindre en quelques minutes le centre de Paris. Il doit également composer avec un patrimoine paysager et industriel d’une qualité exceptionnelle, celui des usines électriques édifiées au début du XIXème siècle pour alimenter en électricité le métro parisien, dont 90 000m2 restent encore à réhabiliter. Le renforcement des continuités, avec le Vieux Saint- Ouen et avec Pleyel et la Gare du Grand Paris Express notamment, s’opérera particulièrement par le soin apporté à la trame des espaces publics, afin que l’héritage du village puisse constituer un tissu urbain lisible et cohérent.
La revalorisation du rapport à la Seine, profondément liée à l’image de Paris et à fortiori à celle
du Grand Paris, constitue le second axe fort de notre démarche. Encourager les liens entre la
métropole et le fleuve est l’idée phare des Jeux Olympiques de Paris. Le fleuve aura vocation à prêter
ses berges et son plan d’eau à toutes sortes d’aménagements et d’événements récréatifs ou sportifs. Au-
delà, la Seine sera un élément structurant pour le Grand Paris capable de connecter les territoires par de
nouvelles continuités paysagères. Aussi avons-nous souhaité que le Village s’ancre dans sa géographie et
jouisse de cet emplacement privilégié par une réorientation vers le fleuve encourageant la redécouverte
par ses habitants d’un territoire qui avait en partie perdu son rapport à l’eau. Il s’agit de retrouver le
paysage. Ce principe a guidé la matérialisation du plan d’ensemble. Il oriente la trame urbaine et paysagère
du quartier vers le fleuve, avec des percées et mails plantés orientées perpendiculairement à celui-ci. Le
projet vient dilater les berges, avec cette volonté d’étirer le paysage depuis les rives vers l’intérieur du site,
afin de renforcer les continuités écologiques. Nous nous sommes également attachés à la topographie du
lieu pour en révéler les qualités. Le site possède un relief, une déclivité, de 12 mètres au-dessus du niveau
de la Seine à certains endroits. L’idée est d’exploiter ces différences de niveaux pour créer de grandes
allées et encourager une descente vers les berges offrant de nouvelles perspectives qui accompagneront
l’architecture. De grandes terrasses créeront une succession de points de vue vers les quais de Seine et
le Grand Paris de façon à renforcer l’accessibilité et l’attractivité du site. Le Boulevard Finot prolongé
permettra notamment de relier la plaine Saint-Denis aux quais de Seine. Un accent fort est ainsi mis sur la
qualité des espaces publics qui formeront 49 % de la surface totale de la ZAC. Ils composent l’armature
du nouveau quartier, qui regroupe deux grandes perpendiculaires à la Seine, liens majeurs entre Pleyel et
le fleuve, et deux grandes parallèles composant l’entrée du quartier ou renforçant les continuités urbaines
avec le vieux Saint-Ouen. Les berges réaménagées inscrivent enfin le site dans une échelle territoriale plus
large, par l’extension rendue possible d’une promenade jusqu’au Parc des Docks au Sud ou la confluence
du Canal St Denis et de la Seine au Nord. Les berges accessibles à tous seront sans doute le gage de son
attractivité et de sa fréquentation.
Cité-jardin au bord de l’eau, le Village tirera également parti de son héritage architectural,
tramé par de grandes «cathédrales» industrielles implantées perpendiculairement à la Seine.
S’inscrivant dans une logique héritée de l’histoire du site, le principe de perpendicularité à la
Seine offre au projet une réponse urbaine forte et cohérente par la composition de volumes
simples, lisibles et identifiables depuis l’espace public. En écho aux grands objets architecturaux
existants, six pièces urbaines baptisées “îlots-bateaux” sont proposées. Chaque îlot développe sa propre
identité et joue un rôle précis dans un scénario urbain lisible et cohérent. Leur altimétrie établit par
ailleurs une continuité avec le contexte existant, variant de R+3 à R+14 maximum. La forme privilégiée
est celle d’immeubles en plots, morphologie autorisant un compromis entre la compacité exigée par les
exigences de durabilité et la possibilité d’offrir aux logements un bon ensoleillement et des vues multiples.
Cette morphologie capable d’accueillir une grande diversité de programmes (logements, bureaux, hôtel,
résidence étudiante, commerces, etc.) composera des ensemble ouverts à la fois sur l’espace public et sur
des coeurs d’îlots offrant des cadrages sur le grand paysage. Nous avons cherché à définir une densité
juste, un rapport entre la hauteur du bâti et la largeur des espaces extérieurs qui donne un caractère aéré et
humain à l’ensemble. Il s’agit également de penser la réversibilité du village dès la phase d’étude du projet,
l’ensemble des bâtiments conçus pour l’événement devant offrir une grande flexibilité pour revenir à
une destination plus classique après les Jeux. Le Plan-guide développe à cet égard une étude poussée sur
le dimensionnement de chaque élément bâti, son rapport à l’espace public, ses capacités d’adaptabilité
programmatique en phase olympique et de réversibilité en phase héritage.
Le projet se concentre sur son héritage pour le territoire, tant du point de vue de la durabilité
que des technologies développées et intégrées. Nous souhaitons lui donner une forte dimension
environnementale et développer un quartier exemplaire pour le Grand Paris, qui mette l’accent sur
des exigences élevées en matière de durabilité, des espaces publics généreux, une valorisation des modes
de transports doux, une végétalisation importante et un renforcement de la biodiversité. L’aménagement
des berges témoigne de cette volonté, mais aussi l’implantation du bâti qui intègre de nombreux espaces
verts, avec des cœurs d’îlots très ouverts offrant des vues vers les quais. La nature sera aussi présente
sur les toits des immeubles envisagés comme espaces partagés ou dédiés à l’agriculture urbaine. Notre
objectif est également de minimiser la facture énergétique en termes de construction, par la mise en
oeuvre d’une stratégie énergétique ambitieuse tant du point de vue de la baisse des consommations que
de la production locale. Le projet viendra ensuite anticiper les nouveaux paradigmes urbains de 2030 via
la mise en oeuvre d’espaces publics et privés de grande qualité. L’attention est prêtée à l’importance du
digital, des services urbains, de l’adaptabilité et de l’évolutivité des espaces. La mobilité constitue aussi un
axe central de l’intégration du Village au sein du Grand Paris. A ce titre le projet propose le développement
de trames de déplacements pour tous les types d’usagers avec une vision évolutive à horizon 2050.
Nous l’avons compris, l’héritage du Village olympique n’est pas une finalité mais au contraire
le point de départ et l’objectif premier de sa conception. Le Village Olympique et Paralympique
constitue aussi l’opportunité d’offrir aux délégations d’athlètes une expérience du Grand Paris et de
son territoire. Il nous invite à innover dans de nombreux domaines, celui de la programmation, de la
durabilité, de la réversibilité, etc. Nous souhaitons lui donner une qualité d’usage pensée à toutes les
échelles pour définir un quartier possédant une forte identité et encourageant le développement d’une vie
urbaine et d’une ambiance favorable à l’échange et aux rencontres. Evitant à tout prix de générer un effet
cité-dortoir, nous souhaitons voir s’y développer une vie locale, avec activités, commerces et équipements
de proximité, une vie urbaine locale connectée à la grande échelle de la métropole.
Une équipe de maîtrise d’oeuvre urbaine au service du village olympique ET PARALYMPIQUE
L’équipe de Maîtrise d’Oeuvre Urbaine regroupe des structures
à l’expérience opérationnelle avérée et dont les capacités de
production sont adaptées aux dynamiques de grands projets. La
convergence des expertises a abouti à la réalisation d’un plan-guide
d’aménagement détaillé, remis en décembre 2018.
Du jour de la remise du plan-guide au démarrage des Jeux s’écouleront
soixante mois. L’objectif de ce projet est double: constituer pour le
territoire un morceau de ville durable et ambitieux par ses qualités
urbaines tout en offrant temporairement un accueil d’exception aux
athlètes. Il s’agit de penser un quartier exemplaire qui, au-delà
de l’évènement sportif, médiatique et touristique exceptionnel que
représentent les Jeux, s’ancrera sur son territoire et s’intégrera à la
métropole, en 2025 et à plus long terme en 2050.
Ce plan-guide reprend les principes fondateurs développés lors de
la candidature de Paris en 2016, précisés au cours des quatre mois
de travail menés par l’équipe de Maitrise d’Oeuvre.
L’EQUIPE DE CONCEPTION
• Dominique Perrault, architecte urbaniste, à la tête d’une agence comptant plus de
70 collaborateurs, a participé à plusieurs candidatures olympiques telles que l’Olympic
National Speed Skating Oval en 2016 pour les JOP d’hiver de Beijing 2022, ou le tremplin
olympique de Bergisel en Autriche en 1999. Il est également l’auteur du Vélodrome et de la
Piscine Olympiques de Berlin, et du stade Olympique de Tennis de Madrid. Son expertise
est reconnue pour ses projets urbains d’ampleur internationale, dont en ce moment le
nouveau quartier de la Gare FSS de Locarno en Suisse ou encore le développement du
quartier du stade de la Beaujoire à Nantes.
• Une Fabrique de la Ville, cofondée par Jean-Louis Subileau et Guillaume Hébert,
accompagne de nombreux maitres d’ouvrage dans la définition et le suivi de grands
projets urbains, tels que les projets Pleyel, Euralens ou encore “50.000 logements” à
Bordeaux. Elle a notamment accompagné DPA au sein de l’Atelier International du Grand
Paris et sur plusieurs projets urbains tels que le projet du Trapèze à Boulogne-Billancourt,
les études sur le secteur Brouardel-Europe pour la Ville de Toulouse ou le projet urbain et
sportif autour du stade de la Beaujoire à Nantes.
• L’agence TER, créée en 1986 par les paysagistes Henri Bava, Olivier Philippe et Michel
Hoessler, développe depuis sa création un très grand nombre de projets, du jardin à
l’urbain, en passant par le grand paysage, tels qu’actuellement le projet “Bords de Loire”
à Nantes ou le Campus Condorcet à Aubervilliers. Plaçant la géographie et ses paysages
au centre de la problématique de ville-territoire, l’agence a su développer son expertise
des grands territoires métropolitains par des études de planification complexes. Récemment
récompensée par le Grand Prix de l’urbanisme 2018, elle a récemment accompagné
Dominique Perrault dans l’aménagement du nouvel Hippodrome de Longchamp.
• Ingérop, bureau d’études français de renommée internationale, dispose d’équipes
dédiées à tout type d’opération de conception architecturale ou urbaine. Experts du
génie civil urbain, de la conception environnementale, des nouvelles technologies de
la ville et des dynamiques métropolitaines, Ingérop dispose de toutes les compétences
techniques requises pour mener les études de maîtrise d’œuvre sur des projets complexes
et d’envergure tels que le Quartier de l’Ecole Polytechnique (Saclay), ou encore ceux de
la Gare de Lyon Daumesnil (Paris) et de la Presqu’île de Grenoble. Ingérop développe en
particulier deux projets en rapport direct au fleuve: le projet Garonne Eiffel à Bordeaux et
l’aménagement de l’île Seguin à Boulogne.
• CITEC, groupe fort d’une soixantaine de collaborateurs, est spécialisé dans les
problématiques spécifiques de mobilité et en particulier celles liées au fonctionnement
des grands évènements, tels que L’Euro 2016 ou les JO de Turin en 2006. Le groupe est
notamment en charge des études de mobilité du pôle Pleyel, et a accompagné le GIP Paris
2024 sur le dimensionnement de la gare routière du Village Olympique.
• Jean-Paul Lamoureux, acousticien et éclairagiste expert dont l’intervention concernera
les qualités des espaces publics.
• Françoise Folacci, architecte adjointe à l’Architecte en Chef de la Préfecture de Police
de Paris et architecte libérale experte en matière d’accessibilité, apportera son expérience
pour assurer l’accessibilité de l’ensemble des espaces bâtis.
LE CALENDRIER
Le Village Olympique et Paralympique est élaboré sur une période de 6 ans.
• avril 2016 – début des études pour la candidature de Paris
• septembre 2017 – Paris est désignée ville hôte pour les JO 2024
• SEPTEMBRE 2018 – Lancement des études
L’équipe de Maîtrise d’Oeuvre Urbaine en charge de la conception du Village est
désignée à la suite d’un appel d’offre lancé en février 2018 par la SOLIDEO.
Les études sont consacrées à la définition des ambitions du projet et leur traduction
en actions concrètes pour la conception du Village. De nombreux échanges ont lieu
entre les acteurs en charge du projet et des ateliers scientifiques viennent nourrir la
programmation de ce morceau de ville.
• décembre 2018: remise du plan-guide d’aménagement
A l’issue de quatre mois d’études, le plan-guide est remis à la SOLIDEO par l’équipe
de Maitrise d’Oeuvre Urbaine.
• printemps 2019: premières commercialisations de lots privés
• PREMIER TRIMESTRE 2020 – Lancement des travaux
Après plus d’un an de conception, les travaux démarrent au début de l’année 2020.
Les travaux durent 4 ans pendant lesquels de nombreuses étapes s’enchaînent :
démolition, dépollution puis établissement des espaces publics et des îlots architecturaux.
• PREMIER TRIMESTRE 2024 – Préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques
L’équipe de Maîtrise d’Oeuvre Urbaine et la SOLIDEO remettent le Village entre les
mains du COJO pour la préparation de l’événement : installation des équipements
de restauration, intégration des équipements sportifs temporaires et de l’ensemble
des activités de services aux athlètes, préparation des systèmes de transport internes
au Village par navettes autonomes…
• ETE 2024 – Jeux Olympiques et Paralympiques
Le Village est au coeur de toutes les attentions. Il est conçu pour accueillir tous les
athlètes et leurs accompagnants (17.000 personnes attendues). Conçu avec une
attention poussée sur l’accessibilité universelle des espaces, il offre des espaces de
vie confortables, aussi bien pour les athlètes olympiques que paralympiques. Il peut
également accueillir un public extérieur pendant l’événement sur l’espace généreux
de la Place Olympique, où se déroulent de nombreux événements et manifestations.
• DE 2024 A 2026 – Préparation de l’héritage
Après avoir vécu quelques semaines comme un gigantesque hôtel pour athlètes,
le Village se transforme pour devenir un véritable quartier. La «sur-couche» de la
configuration Jeux est retirée pour donner au Village son véritable aspect, celui d’un
nouveau quartier d’exception pour les villes de Saint-Denis, de Saint-Ouen et de
l’Ile Saint-Denis.
Ancré dans sa géographie, il donne accès à un lieu unique, conçu pour
accompagner un territoire en pleine mutation.
• 2026 – Ouverture définitive du quartier !