jeu. Août 14th, 2025

Par Adlane Avocats

Quelles sont les principales infractions en droit pénal environnemental en France ?

Le droit pénal de l’environnement en France réprime un large éventail de comportements portant atteinte aux milieux naturels, à la biodiversité ou à la santé publique. Ces infractions sont principalement prévues par le Code de l’environnement, mais aussi par le Code pénal et d’autres textes spéciaux.

Parmi les infractions les plus fréquentes figure la pollution des eaux, punie par l’article L. 216-6 du Code de l’environnement : toute introduction de substances nuisibles dans les eaux superficielles ou souterraines est passible de 2 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Les actes entraînant l’appauvrissement ou la dégradation des ressources naturelles représentaient 45% des infractions environnementales en 2021 selon les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). La destruction d’espèces protégées ou de leur habitat constitue une autre infraction centrale (art. L. 415-3), réprimée jusqu’à 3 ans de prison et 150 000 € d’amende, voire 7 ans et 750 000 € en bande organisée. En 2021, plus de 34% des infractions liées à l’environnement visaient des animaux selon les chiffres du SSMSI.

Les infractions liées aux déchets (abandon illégal, traitement non autorisé, exploitation d’une décharge sans agrément) sont encadrées par l’article L. 541-46, avec des peines équivalentes, pouvant être alourdies en cas de mise en danger de la santé humaine. De même, le non-respect de la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) – comme l’exploitation sans autorisation – est sanctionné par les articles L. 173-1 à L. 173-12.

Une infraction plus récente mérite une attention particulière : l’écocide, introduit par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 (art. L. 231-3). Cette infraction vise les atteintes intentionnelles, graves et durables à l’environnement, en violation d’une obligation de prudence ou de sécurité. Cette infraction est passible de 10 ans d’emprisonnement et

4,5 millions d’euros d’amende, voire plus si l’auteur en a tiré un profit supérieur.

Enfin, l’article 121-2 du Code pénal prévoit que les personnes morales, telles que les entreprises, peuvent être pénalement responsables des infractions environnementales commises pour leur compte, ouvrant la voie à des sanctions financières et à des mesures complémentaires comme l’interdiction d’exercer. En 2021, les personnes morales représentaient 8% des mis en cause des mis en cause pour des délits environnementaux. Les infractions des entreprises sont souvent d’une ampleur supérieure à celles des personnes physiques.

Quelles sont les responsabilités des entreprises en matière de protection de l’environnement ?

Les entreprises ont en France des responsabilités environnementales qui s’exercent à la fois sur les plans administratif, civil et pénal, dans un contexte de contrôle renforcé et de judiciarisation accrue.

Sur le plan administratif, elles doivent respecter les autorisations, déclarations et prescriptions imposées par la réglementation (ICPE, déchets, eau, air…). Tout manquement peut entraîner des mesures coercitives telles que des mises en demeure, des amendes, astreintes ou suspension d’activité (C. env., art. L. 171-7 et s.).

Elles peuvent également être tenues, sur le plan civil, de réparer les atteintes à l’environnement causées par leur activité, y compris sans faute. Ce régime, issu de la directive 2004

/35/CE (transposée aux art. L. 160-1 et s. du Code de l’environnement), impose aux exploitants de prendre en charge des mesures de remise en état lorsque des dommages affectent l’eau, les sols ou la biodiversité.

La responsabilité pénale des entreprises, en tant que personnes morales (art. 121-2 du Code pénal), peut être engagée pour des infractions commises pour leur compte : pollution des eaux (art. L. 216-6), traitement illégal de déchets (L. 541-46), exploitation non autorisée d’une ICPE (L. 173-1), ou destruction d’espèces protégées (L. 415-3). Elles encourent des amendes jusqu’à cinq fois plus élevées que celles infligées aux personnes physiques, ainsi que des peines complémentaires (interdiction d’exercer, fermeture, confiscation, etc.). Une récente décision a par exemple condamné la Cise Réunion à indemniser des abonnés à un réseau d’eau s’étant révélé inconforme aux obligations sanitaires pendant 4 années consécutives.

Les personnes morales représentaient près de la moitié des victimes déclarées et 8% des mis en cause selon les chiffres du SSMSI, ce qui reflète leur double statut dans ces contentieux. Leur part varie selon le type d’infraction. 24 % des personnes mises en cause étaient des personnes morales pour les actes de pollution, et 19% pour non-respect des actes de prévention. En revanche, les mis en cause pour les délits liés à la chasse ou à la pêche sont plus rarement des personnes morales (3%). Parallèlement, les personnes morales représentaient 89% des plaignants enregistrés pour des infractions d’exploitation forestière ou minière en 2021. Les entreprises contribuent également à la détection des infractions environnementales, favorisant leur répression.

Enfin, les entreprises de plus grande taille doivent anticiper les risques environnementaux dans leur chaîne d’approvisionnement. La loi sur le devoir de vigilance de 2017 impose l’élaboration d’un plan de vigilance comprenant des mesures de prévention des atteintes graves à l’environnement, y compris à l’étranger. Ce cadre est complété, au niveau européen, par la directive CSRD sur le reporting extra-financier.

Comment les autorités contrôlent-elles et sanctionnent-elles les infractions environnementales ?

En France, le contrôle et la répression des infractions environnementales reposent sur un dispositif articulé entre administration spécialisée, polices environnementales et autorités judiciaires.

Le contrôle administratif est d’abord exercé par des agents assermentés relevant de l’État ou

d’établissements publics : inspecteurs de l’environnement, agents des DREAL (Directions régionales de l’environnement), de l’OFB (Office français de la biodiversité), de l’Inspection des installations classées, de la DGCCRF ou encore de la police de l’eau. Ces agents sont habilités à procéder à des visites sur site, prélèvements, mesures, et saisies, et peuvent constater des infractions par procès-verbal (C. env., art. L. 172-1 à L. 172-15). Lorsqu’une non-conformité est relevée, l’administration peut délivrer une mise en demeure de régularisation, infliger des amendes administratives (jusqu’à 15 000 €) ou ordonner la suspension d’activité (art. L. 171-7 et s.).

Sur le plan judiciaire, les forces de sécurité intérieure (police et gendarmerie) jouent également un rôle clé, notamment dans le cadre des enquêtes pénales. Depuis la loi du 24 décembre 2020, des juridictions spécialisées ont été créées : 36 pôles régionaux environnementaux au sein des parquets, dotés de magistrats référents, coordonnent les poursuites et facilitent l’instruction de dossiers techniques.

Une fois l’infraction constatée, le ministère public peut engager des poursuites pénales devant le tribunal correctionnel, ou proposer une réponse alternative (classement sous condition, composition pénale, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC). Le juge peut prononcer des peines d’emprisonnement, des amendes, mais aussi des peines complémentaires, comme la remise en état du site, l’interdiction d’exercer, la confiscation des matériels ou la publication de la décision.

En 2021, plus de 31 000 atteintes à l’environnement ont été enregistrées par les forces de sécurité, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2016. Les infractions relatives aux déchets représentent à elles seules près d’un tiers des atteintes constatées, suivies par les atteintes à la flore et à la faune, puis à la pollution (SSMSI).

Il existe enfin des sanctions civiles ou administratives complémentaires, comme l’astreinte journalière ou l’exécution d’office par l’administration, en cas de carence du responsable (C. env., art. L. 171-8). L’autorité administrative peut également transmettre le dossier au parquet pour poursuivre pénalement, notamment en cas de récidive ou d’inexécution.

Ainsi, le dispositif français repose sur une logique mixte, combinant prévention, régularisation et sanction, avec une montée en puissance de la réponse judiciaire sur les dernières années.

Quelles sont les peines encourues pour les infractions environnementales, tant pour les entreprises que pour les dirigeants ?

Les infractions environnementales peuvent entraîner, pour les entreprises comme pour leurs dirigeants, des sanctions pénales particulièrement lourdes, prévues principalement par le Code de l’environnement et le Code pénal. Ces peines varient selon la gravité des faits, leur caractère intentionnel ou non, et la qualité de l’auteur (personne physique ou morale).

Concernant les personnes physiques, les dirigeants peuvent être poursuivis à titre personnel en tant qu’auteurs, coauteurs ou complices d’une infraction environnementale, en particulier lorsqu’ils ont personnellement participé à sa commission ou lorsqu’un manquement à leur obligation de surveillance est établi.

Ils encourent, selon les infractions :

  • Pollution des eaux (art. L. 216-6) : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ;
  • Destruction d’espèces protégées (art. L. 415-3) : 3 ans de prison et 150 000 € d’amende, portés à 7 ans et 750 000 € en bande organisée ;
  • Traitement illégal de déchets (art. L. 541-46) : jusqu’à 2 ans de prison et 75 000 € d’amende, avec des peines aggravées en cas de mise en danger de la santé humaine ;
  • Exploitation non autorisée d’une ICPE (art. L. 173-1) : 2 ans de prison et 100 000 € d’amende
  • Écocide (art. L. 231-3) : jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende, notamment en cas d’atteinte grave et durable à l’environnement en violation manifeste d’une obligation de prudence.
  • Des peines complémentaires peuvent s’ajouter : interdiction d’exercer une activité, confiscation des matériels, publication du jugement, remise en état des lieux…

    Concernant les personnes morales, en vertu de l’article 121-2 du Code pénal, les entreprises peuvent être tenues pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants.

    Elles encourent une amende jusqu’à cinq fois supérieure à celle prévue pour une personne physique (par exemple, jusqu’à 375 000 € pour une pollution de l’eau, ou 22,5 millions € pour un écocide avec bénéfice tiré supérieur) ;

    Elles encourent également des peines complémentaires prévues à l’article 131-39 du Code pénal, comme l’interdiction d’exercer certaines activités (jusqu’à 5 ans ou définitivement), la fermeture d’un ou plusieurs établissements, la confiscation de biens ou encore l’affichage ou la diffusion de la condamnation.

En 2021, si les personnes morales ne représentaient que 8 % des mis en cause, elles étaient concernées dans des affaires aux enjeux financiers et environnementaux particulièrement significatifs, notamment dans les secteurs du BTP, de l’industrie ou des déchets.

Quels sont les recours possibles en cas de mise en cause pour une infraction environnementale ?

Lorsqu’une entreprise ou l’un de ses dirigeants est mis en cause pour une infraction environnementale, il convient d’adopter une défense structurée, articulée autour des recours ouverts tant sur le plan administratif que pénal.

Sur le plan administratif, les décisions telles que les mises en demeure, amendes ou suspensions d’activité peuvent être contestées par recours gracieux ou hiérarchique, puis devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois (C. env., art. L. 171-8). Avant toute décision, la personne concernée peut formuler des observations écrites (CRPA, art. L. 122-1). Dans certains cas, un plan de mise en conformité peut permettre de suspendre ou alléger la procédure.

Sur le plan pénal, la personne mise en cause peut exercer pleinement ses droits dès l’enquête : demander la communication du dossier, solliciter des actes d’instruction (comme une contre-expertise), ou contester l’élément matériel ou intentionnel de l’infraction. Si l’entreprise est poursuivie comme personne morale, encore faut-il prouver que l’infraction a été commise pour son compte, par un organe ou représentant (C. pén., art. 121-2).

Plusieurs options procédurales s’ouvrent ensuite :

  • accepter une composition pénale ou une CRPC, pour éviter un procès ;
  • contester l’affaire devant le tribunal correctionnel ;
  • faire appel d’une décision dans les 10 jours (CPP, art. 498).

Enfin, les mesures de réparation environnementale peuvent faire l’objet d’une contestation devant le tribunal judiciaire, notamment sur l’existence du préjudice écologique (C. civ., art. 1246) ou sur la proportionnalité des mesures exigées.

Une défense efficace doit ainsi combiner analyse technique, maîtrise des délais et stratégie contentieuse adaptée aux enjeux du dossier.

 

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