mar. Juil 15th, 2025

Chronique de Rudy Casbi

« L’Afrique pourrait redessiner la carte des investissements mondiaux à travers son art, son design et son habitat. Mais comment transformer ce potentiel en réalité tangible ? »

 

Une opportunité africaine dans un monde incertain

Tout banquier chevronné se méfie des promesses trop éclatantes. Pourtant, en observant le continent africain dont les réalités sont très disparates entre les Etats, je ne peux ignorer une dynamique qui s’impose : le marché de l’art, du design et de l’habitat émerge comme un actif sous-évalué, mais complexe. Selon la Banque mondiale, 60 % des 2,5 milliards d’Africains attendus d’ici 2050 vivront en zone urbaine dès 2030, et McKinsey évalue le pouvoir d’achat de la classe moyenne à 2 500 milliards de dollars à cet horizon. Cette démographie, jeune et avide d’esthétique, alimente une demande pour des habitats innovants et des créations culturelles audacieuses. Le Salon du Mobilier  (SMOB), prévu à Cotonou du16-18 octobre 2025 à Cotonou t co-organisé par Noel Wallabregue, illustre ce frémissement : des designers y présenteront des œuvres rivalisant avec les standards mondiaux. Mais soyons lucides : l’instabilité politique, les failles logistiques et le manque de transparence freinent les ardeurs. Investir 50 milliards de dollars sur 20 ans dans ce secteur semble ambitieux, presque utopique. Pourtant, face à la stagnation des marchés occidentaux, comment ignorer un continent où la croissance démographique et économique redessine les opportunités ?

Cotonou, un hub possible mais semé d’embûches

Dubaï a bâti sa légende sur l’audace architecturale et culturelle, transformant un désert en hub mondial. Cotonou, avec son port stratégique et son rôle de carrefour ouest-africain, pourrait rêver d’un destin comparable. Certains analystes des marchés émergents, note que « les industries créatives africaines offrent un ROI potentiel de 12 %, contre 8 % en Europe ». Le SMOB 2025, co-organisé par Noel Wallabregue  (16-18 octobre 2025, salon du mobilier et du design ) pourrait catalyser cette ambition, attirant collectionneurs et investisseurs. Au-delà d’un aspect quasi cérémonial, l’envergure de la vision n’en rend pas moins autant extatique que circonspect. D’autant que les infrastructures portuaires de Cotonou, bien que prometteuses, souffrent de lenteurs bureaucratiques. Les talents locaux, bien réels, manquent de visibilité mondiale. Un écosystème à la Dubaï exigerait des zones franches dédiées, des incubateurs pour créateurs et des partenariats public-privé pour des habitats durables. La Banque africaine de développement estime le déficit d’infrastructures urbaines à 100 milliards de dollars par an ; détourner une fraction vers l’art et le design est séduisant, mais comment garantir la viabilité à long terme face à des risques systémiques ?

Un levier stratégique : mobiliser les bourses et les alliances financières globales

Les places boursières africaines — de la BRVM à Johannesburg — pourraient devenir des plateformes de financement dédiées aux industries créatives. Mais l’enjeu dépasse le continent. Une coopération étroite avec les places financières mondiales est essentielle. La Bourse de New York, Euronext, ou encore la Bourse de Tokyo pourraient co-créer des fonds transcontinentaux d’investissement culturel, capables de capter les flux d’impact investing et de private equity tournés vers les actifs culturels. Des Green & Creative Bonds pourraient être émis en partenariat avec des banques multilatérales et cotés simultanément à Abidjan, Paris et Singapour. À plus long terme, l’intégration d’actifs tokénisés permettrait de mobiliser les plateformes. En parallèle, des joint-ventures entre fonds souverains africains et asiatiques pourraient mutualiser des risques d’infrastructures tout en apportant un ancrage géopolitique, En résumé : pour bâtir un Dubaï culturel à Cotonou, il faut une ingénierie financière globale, enracinée en Afrique mais irriguée par le monde.

Financer un rêve africain : des pistes fragiles

Comment financer cette vision sans sombrer dans l’optimisme béat ? Les mécanismes existent, mais ils demandent une exécution irréprochable. Des fonds d’impact ciblant les industries créatives, soutenus par des institutions comme la BAD, pourraient sécuriser des rendements. Les banques offshores pourraient innover avec des actifs tokénisés ou via desparts dans des projets immobiliers design. Des incitations fiscales, comme à Dubaï, attireraient des capitaux. « La culture africaine est un actif économique, mais sa monétisation exige une gouvernance robuste », prévient Amina Diallo, économiste à la CEA. Le marché de l’art africain, évalué à 1 milliard de dollars par ArtTactic, montre un potentiel, mais les risques de corruption et de volatilité des devises locales pèsent lourd. Injecter 50 milliards sur 20 ans pour connecter Cotonou à un écosystème mondial est techniquement faisable, mais comment s’assurer que ces fonds ne s’évaporent pas dans des structures inefficaces ?

Un pari audacieux, mais réalisable ?

Je ne suis pas un rêveur. Les obstacles — instabilité, déficit d’infrastructures, manque de cadres juridiques — sont réels. Pourtant, l’Afrique, avec Cotonou comme possible fer de lance, offre une opportunité que les marchés saturés de l’Occident ne peuvent égaler. Le modèle de Dubaï montre qu’une vision, appuyée par des capitaux stratégiques, peut bouleverser les équilibres. Le SMOB 2025 pourrait être le point de départ. Mais comment y parvenir ? En alignant discipline financière, gouvernance rigoureuse et audace visionnaire. Les financiers qui sauront naviguer ces eaux troubles pourraient bien redessiner l’avenir. Les grands rendements naissent là où les autres voient des risques. L’Afrique nous défie : il nous reste le droit d’y répondre.

 

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