ven. Nov 22nd, 2024

La France, une nation pionnière de l’hydrogène

La France a été parmi les premiers pays à identifier tout le potentiel de l’hydrogène notamment sa capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en étant compétitif. Dès 2018, notre pays a fait le choix de soutenir la filière et y a consacré des moyens dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir (PIA). Avec la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné annoncée par le Gouvernement en 2020 et le plan France 2030, la France se donne les moyens, à hauteur de 9 milliards d’euros, en s’appuyant sur ses laboratoires de recherche et ses industriels à la pointe de l’innovation, de créer une filière compétitive d’hydrogène renouvelable et bas carbone, et de devenir un des leaders mondiaux de l’hydrogène décarboné par électrolyse. Avec France 2030, l’État investit massivement dans la structuration de la filière de l’hydrogène décarboné et vise à être un des leaders mondiaux. La France se fixe ainsi l’ambition de pouvoir compter sur son sol au moins quatre gigausines d’électrolyseurs et l’ensemble des technologies nécessaires à l’utilisation de l’hydrogène.

La Stratégie Nationale Hydrogène

Le 8 novembre 2022 à l’Elysée, le Président de la République a rappelé des objectifs ambitieux et clairs pour la décarbonation de l’industrie : diviser par deux les émissions de l’industrie dans les dix prochaines années et atteindre zéro émissions nettes pour l’industrie en 2050, conformément à l’engagement européen de neutralité carbone à 2050 et aux objectifs 2030 renforcés du paquet européen Fit For 55. Ces objectifs impliquent, pour l’industrie, de doubler le rythme de la baisse d’émissions observée de ces dernières décennies, qui est déjà la plus importante de tous les secteurs de l’économie française, avec une baisse de -44% des émissions industrielles entre 1990 et 2020. L’atteinte de ces objectifs ne peut se faire avec les seules technologies d’efficacité énergétique et de décarbonation de la chaleur industrielle qui ont alimenté l’essentielle de la baisse de ces dernières décennies. Elle nécessite le déploiement le plus large possible de technologies de rupture qui permettent de décarboner en profondeur les procédés industriels.

C’est une nouvelle révolution industrielle, impliquant la modification de procédés datant parfois de plusieurs siècles. Elle implique une accélération drastique du déploiement de l’hydrogène comme levier de décarbonation industriel, afin que celui-ci devienne une véritable commodité industrielle accessible à un cout compétitif pour tous les acteurs industriels. C’est l’objectif fixé par le Président de la République le 8 novembre 2022, en demandant au Ministre chargé de l’Industrie et à la Ministre de la Transition Energétique d’élaborer une nouvelle stratégie nationale hydrogène, qui vise le déploiement de hubs hydrogène sur toutes les grandes plateformes industrielles dans une logique de mutualisation de la production pour les usages industriels dans des centres de production massifiée. Cette stratégie devra être élaborée d’ici juin 2023 et permettre une mise en œuvre rapide de manière à assurer le déploiement d’un hydrogène abondant et compétitif sur tous les grands bassins industriels du pays après 2030. Elle devra apporter une réponse aux questions, technologiques, économiques et de régulation que pose le développement de ces hubs hydrogène. Elle étudiera également la compétitivité de la production d’hydrogène sur la base de l’électricité du réseau électrique national, que ce soit par le recours à des contrats de long terme pour l’alimentation en électricité des électrolyseurs ou bien par un soutien au prix pour aider au déploiement des capacités de production. Une enveloppe de plus de 4Md€ est prévue à cet effet, en plus des financements du PIIEC.  

Qu’est-ce que l’hydrogène ?

L’hydrogène est une des plus emblématiques des technologies de rupture qui permettront la décarbonation de notre économie. Aujourd’hui largement produit à partir d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole…) par des processus très émetteurs de gaz à effet de serre, il peut également être produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité décarbonée ou renouvelable. L’hydrogène est alors dit « décarboné » car ni sa production ni son utilisation n’émettent de CO2. Compte tenu de son mix électrique faiblement émetteur de CO2, la France dispose de toutes les ressources pour fabriquer l’hydrogène décarboné.   

L’utilisation de l’hydrogène est clé pour la décarbonation de nombreux secteurs

Comme un composé chimique, l’hydrogène est un intrant majeur pour la production décarbonée de nombreux produits de base : acier vert, ammoniaque, engrais ammonitrates, nylon, en substitution des hydrocarbures. De plus, l’hydrogène est depuis longtemps utilisé régulièrement dans l’industrie pétrolière et chimique, pour une consommation française totale d’environ 900 000 tonnes par an. Il s’agit en grande majorité d’hydrogène obtenu par des processus utilisant des énergies fossiles émettant donc environ plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. Une production décarboné de l’hydrogène permettra ainsi une forte diminution des émissions ce qui contribuera à atteindre l’objectif qui a été fixé dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone pour l’industrie : 53 millions de tonnes émises par an en 2030 contre 80 millions de tonnes émises par an aujourd’hui. Il est par ailleurs utilisable en tant que vecteur d’énergie pour les applications de mobilité, notamment le transport collectif de personnes et le transport de marchandises, là où les solutions à base de batteries sont plus difficiles à mettre en œuvre ou posent des enjeux de poids.

Utilisé dans une pile à combustible, il présente l’avantage de ne rejeter que de l’eau, ce qui permet d’éliminer les émissions de particules, de soufre, d’oxyde d’azote et de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air. L’hydrogène bas carbone est donc au carrefour des enjeux de la décarbonation de l’industrie et de la réindustrialisation verte, de l’investissement dans la recherche et l’innovation, et du développement des compétences professionnelles.  

La production de l’hydrogène

Aujourd’hui, l’essentielle de la production mondiale d’hydrogène produit du CO2. Environ 116 millions de tonnes d’hydrogènes sont produites par an dans le monde dont seulement 1% provient de l’électrolyse de l’eau donc au bilan carbone nulle. Le vaporeformage de gaz naturel est la méthode de production la plus répandue (44% des volumes). Cette technologie profite surtout de sa compétitivité (entre 1 € et 2,5 € le kg d’H2). Vient ensuite la gazéification du charbon (30% des volumes), également compétitive économiquement (entre 1,5 € et 3 € le kg) mais encore plus polluante que le vaporeformage (19 kg de CO2 par kg d’hydrogène produit contre 12 kg pour le gaz naturel).

Enfin, 25% des volumes d’hydrogène sont des co-produits de la pétrochimie (hydrogène fatal) La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau à partir d’électricité bas carbone ou renouvelable est donc encore très peu développée.. En effet, la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau est encore 3 à 6 fois plus chère que la production par vaporeformage du gaz naturel. Des progrès sont attendus notamment sur l’amélioration du rendement énergétique et l’augmentation de la puissance des électrolyseurs pour faire baisser les coûts de production de l’hydrogène décarboné. Pour autant, c’est l’électrolyse de l’eau qui représente le future du développement de la filière hydrogène. C’est, à ce stade, le seul procédé qui permet une production massive sans émission de CO2. En France, la part de l’électrolyse est plus importante que dans le reste du monde (6% des volumes).  

Pour produire de l’hydrogène par électrolyse, trois technologies sont disponibles : l’électrolyseur alcalin, l’électrolyseur PEM et l’électrolyseur haut-température :

– L’électrolyseur alcalin est le plus répandu des trois et bénéficie donc d’une maturité et d’un déploiement à échelle industriel. De plus, du fait de l’usage de matériaux non rares, il est peu coûteux. Cependant, les densités du courant électrique en milieu alcalin sont relativement faibles et les systèmes peu compacts du fait de l’utilisation d’un liquide en guise d’électrolyte. Ce type d’électrolyse est moins adapté en cas d’intermittence de la production électrique à partir d’énergies renouvelables.

– L’électrolyseur PEM utilise une membrane solide comme électrolyte et fonctionne de la même manière qu’une pile à combustible. Son coût est plus élevé, en raison de l’usage de platine notamment. Par ailleurs, c’est une méthode qui est offre une densité de courant élevée, une très grande pureté des gaz produits et qui fonctionne à haute pression. C’est donc une solution adaptée aux sources d’énergies intermittentes. – L’électrolyseur à haute température se base sur le fait qu’en augmentant la température de l’électrolyse, il est possible d’obtenir des rendements bien supérieurs aux électrolyses PEM ou alcaline (de l’ordre de 90% contre 60 à 77%). Cette méthode permet de se passer de matériaux rares et de réduire la consommation d’énergie donc de diminuer les coûts. L’entreprise française Genvia est notamment pionnière dans l’industrialisation de cette solution.   Quelques exemples d’usages de l’hydrogène Le processus d’exploitation se décompose en trois phases:

→ La production du gaz ;

→ Son stockage et son transport le cas échéant

→ Son utilisation L’industrie est et sera de loin le premier consommateur d’hydrogène. L’hydrogène est en effet un intrant utilisable en substitution au charbon et gaz naturel dans de nombreux procédés industriels. Le potentiel de décarbonation par la production d’hydrogène bas carbone est particulièrement important sur les segments industriels suivants: → dans la sidérurgie pour produire de l’acier bas carbone.

→ dans la chimie comme réactif pour la production d’engrais décarboné ou de nylon bas carbone

→ dans le raffinage, essentiellement pour désulfurer les carburants

→ Pour la production de carburants synthétiques en combinant hydrogène et dioxyde de carbone pour former un carburant dont les émissions de gaz à effet de serre sont nulles. L’un des projets emblématiques de la décarbonation de l’industrie à travers l’’hydrogène est l’initiative prise par Arcelor Mittal sur son site de Dunkerque pour produire de l’acier vert. En 2021, Arcelor Mittal a produit 9,3 millions de tonnes (Mt) d’acier liquide en 2021 en France, dont 5,9 Mt à Dunkerque, soit environ 25% de la production européenne du groupe et 13,5 % de la production mondiale. Le groupe industriel, qui émet en France environ 20 Mt de CO2 par an, soit un quart des émissions industrielles et 5% des émissions à l’échelle nationale, s’est fixé pour objectif de réduire ses émissions de CO2 de 40 % en 2030 (par rapport à 2018), avec l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Les émissions ainsi évitées sont significatives puisqu’elles représenteraient environ 10% des émissions industrielles nationales produites en 2020.

C’est dans cette perspective qu’Arcelor Mittal prévoit de remplacer un de ses hauts fourneaux par une technologie nouvelle de réduction directe par hydrogène (DRI). Les hauts fourneaux produisent de l’acier liquide à partir de minerais de fer au moyen d’une réduction par le charbon/coke. Ils seraient remplacés d’une part, par des unités de réduction directe de minerais de fer par un mix gaz naturel et hydrogène bas carbone ; et d’autre part, par des fours électriques, qui produisent de l’acier liquide à partir de ferrailles et/ou de briquettes de fer issus de la technologie DRI. L’acier liquide produit par les fours électriques en aval du DRI poursuivra ensuite sa route dans les installations existantes pour produire l’acier final, qui sera utilisé pour des tôles, des plaques, des produits longs, etc. La première phase du projet de décarbonation du site de Dunkerque, qui s’étend de 2022 à 2026, vise à produire 4Mt/an d’aciers décarbonés en investissant dans une installation de réduction du minerai de fer par un mix gaz/hydrogène d’une capacité de 2,6 Mt par an et dans deux fours électriques capables de produire 2 Mt/an d’acier liquide chacun (cf. schéma ci-dessous). Elle conduira à une réduction des émissions de CO2 de 5,8 Mt/an lorsque l’injection de H2 dans le processus atteindra 100%.   

Dans le cadre de la zone industrielle bas carbone (ZIBAC) de Dunkerque, qui a bénéficié du soutien financier de France 2030, ce projet bénéficiera de la mise en place d’un réseau de distribution d’hydrogène bas carbone et de la mise en place d’un site centralisé de production pour une partie des industriels de la plateforme, qui pourront bénéficier ainsi de très importantes économies d’échelle. Il bénéficiera également de la construction d’une nouvelle ligne à haute tension, qui alimentera en électricité bas carbone les nouvelles installations électriques du site d’Arcelor Mittal ainsi que l’électrolyseur de la zone industrielle. La mobilité sera sans doute le second consommateur massif de l’hydrogène.

Son emploi comme vecteur énergétique dans les transports est amené à croitre et à se généraliser (mobilité routière lourde et intensive, train pour les tronçons non électrifiés, navires et à plus long terme l’aéronautique) là où la technologie batteries est peu attractive pour des raisons de poids, de densité énergétique ou de coût. Pour l’aviation par exemple, l’hydrogène est une technologie à fort potentiel dont l’énergie par unité de masse est trois fois supérieure à celle du carburant pour avion traditionnel mais qui a l’inconvénient d’occuper un volume plus important, imposant un stockage sous forme gazeuse sous forte pression, voire sous forme liquide/cryogénique.

Ceci conduit à des modifications pouvant être importantes dans la structure de l’avion. S’il est produit à partir d’une électricité bas carbone par électrolyse, il permet de réduire fortement les émissions de CO2. L’hydrogène est utilisé en toute sécurité dans les industries aérospatiale, automobile et pétrolière depuis des décennies. Le défi de l’industrie aéronautique est d’étudier l’utilisation de ce vecteur énergétique à faible émission et son adaptation aux besoins de l’aviation commerciale. Deux utilisations principales de l’hydrogène dans l’aviation sont identifiées :

→ L’utilisation directe de l’hydrogène pour la propulsion à l’hydrogène : L’hydrogène peut être brûlé dans des moteurs à turbine à gaz modifiés ou converti en énergie électrique en complément de la turbine à gaz via des piles à combustible. La combinaison des deux crée une chaîne de propulsion hybride-électrique très efficace, entièrement alimentée par l’hydrogène.

→ L’utilisation de l’hydrogène pour produire des carburants synthétiques (SAF), qui seront eux-mêmes utilisés dans des moteurs actuels. Des usages terrestres sont également développés, notamment par Alstom qui est engagé dans la conception et la construction de trains à hydrogène, comme le Coradia iLint qui est utilisé en Allemagne depuis 2018 pour le transport de passagers, ou pour ea transport de fret, dans un projet pionniers avec Nestlé Waters pour le transport de trains d’eau minérale.  

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