ven. Oct 24th, 2025

Par Arnaud Marquant

Directeur des opérations, KB Crawl SAS

Les actuelles incertitudes politiques et géopolitiques annoncent de possibles secousses. Dans ce contexte spécifique, la veille réglementaire devient un levier stratégique incontournable.

 

Paradoxe français : alors que le Parlement a repris ses travaux, l’instabilité institutionnelle et politique que connaît l’Hexagone depuis l’été 2024 ne cesse de rebondir. Un nouveau changement ou remaniement gouvernemental, des élections législatives anticipées ou encore un changement de Premier ministre : autant d’hypothèses susceptibles d’influer sur l’agenda législatif. Dans ce climat plus qu’incertain, les entreprises sont sur le qui-vive. Pour elles, la veille réglementaire s’impose comme un outil stratégique majeur, qu’il s’agisse d’organisations publiques ou privées. Figurant parmi les missions cardinales du veilleur, cette action consiste à surveiller en continu les textes de lois, décrets, normes, débats ou projets législatifs pouvant avoir un impact sur l’activité de l’entreprise. Cette action chirurgicale englobe à la fois le suivi des textes officiels (publiés ou en cours de discussion) et la détection des signaux faibles annonciateurs de futures évolutions. Dans un monde fragmenté et en perpétuel mouvement, cette démarche est devenue indispensable pour éclairer la prise de décision, et comporte plusieurs dimensions.

 

 

 

Une veille aux multiples échelles : du national à l’international

 

 

 

Dans le contexte qui est le nôtre, la complexité des enjeux oblige d’abord à raisonner à de multiples niveaux. À l’échelle nationale, les entreprises doivent suivre de près les évolutions budgétaires, fiscales, sociales ou environnementales qui découlent des arbitrages politiques en cours, ou en gestation. Un changement de ton du gouvernement ou une orientation politique nouvelle ne doivent pas être pris à la légère ! Elle peut provoquer des effets de bascule dans des secteurs entiers. Ce peut être par exemple le cas de celui du bâtiment : amorphe ces derniers mois, il est à tout moment susceptible d’être réactivé à la faveur d’une impulsion politique ciblée.

 

 

 

Mais l’échelle nationale est souvent l’arbre qui cache la forêt. La véritable complexité qui se joue en termes de veille réglementaire concerne l’échelle européenne, voire internationale. Les normes européennes évoluent sans cesse, notamment sur les sujets liés à la transition écologique, à la finance durable ou à la protection des données. Sur le plan mondial, la géopolitique influe aussi sur les cadres réglementaires, en prise directe avec les tensions commerciales, les politiques industrielles ou les standards techniques qui évoluent. Le cas de l’industrie automobile, qui doit composer avec des réglementations différenciées selon les marchés, en est une parfaite illustration.

 

 

 

Veiller pour mieux gérer les risques

 

 

 

Il convient également d’avoir à l’esprit que la veille réglementaire constitue aujourd’hui un pilier essentiel de la gestion des risques. Elle permet d’anticiper des changements qui, s’ils étaient subis par l’entreprise, pourraient se traduire par des coûts supplémentaires, des sanctions, voire des pertes de marchés.

 

Prenons l’exemple des émissions de CO2 dans l’industrie automobile. Si un constructeur n’intègre pas en amont les seuils fixés par la réglementation, il s’expose à de lourdes pénalités. Mais cette vigilance ne s’arrête pas à l’instant T : elle s’inscrit dans le temps long. Une innovation R&D doit nécessairement être alignée avec un calendrier législatif ; un produit doit être commercialisé en conformité avec la norme qui prévaudra demain, pas celle d’hier. Dans ce contexte, la veille réglementaire permet d’aligner stratégie, innovation et conformité.

 

 

 

Aller au-delà des textes : l’ère des signaux faibles

 

 

 

Veiller ne signifie pas seulement lire le Journal officiel ou scruter le site Legifrance. La véritable force d’une veille réglementaire réside dans la capacité à capter des signaux faibles. Ces indices précoces – issus d’un discours politique, d’un rapport parlementaire ou d’un forum spécialisé – peuvent annoncer des changements majeurs.

 

C’est là que l’intelligence artificielle joue un rôle clé. Les solutions modernes de veille, comme celles proposées par les éditeurs de veille les plus aguerris, intègrent désormais des modules d’IA capables d’analyser des volumes massifs de données, d’identifier des concepts émergents ou d’anticiper les évolutions probables. Le connecteur Legifrance ou la reconnaissance de signaux faibles dans des échanges politiques sont autant d’atouts pour ne pas se faire surprendre. N’attribue-t-on pas à Napoléon la citation suivante : « se faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable » ?

 

 

 

Ainsi donc, la veille réglementaire n’est plus un luxe, mais une nécessité. Elle permet aux organisations de ne pas naviguer à vue dans un monde plus incertain que jamais, y compris au plan des institutions. Tout ceci peut se faire à la condition expresse de se doter sérieusement d’une veille législative, de l’organiser efficacement, et surtout, de ne pas la limiter à la lettre des textes parus ou à paraître. Car aujourd’hui, plus que jamais, c’est dans les marges que se dessine l’avenir.

 

 

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