mer. Déc 18th, 2024
Les États membres du Conseil exécutif de l’UNESCO ont approuvé la proposition de la Directrice générale de lancer un dialogue mondial afin d’élaborer un cadre éthique pour le secteur en croissance et encore largement non réglementé des neurotechnologies. Il aura notamment pour but de protéger les droits humains et les libertés fondamentales. Une première conférence internationale se tiendra le 13 juillet 2023, au siège de l’UNESCO.
 
« Les neurotechnologies peuvent contribuer à résoudre de nombreux problèmes de santé, mais pourraient aussi permettre d’accéder au cerveau des individus, de le manipuler et de fournir des informations sur l’identité, les émotions, les peurs. Elles pourraient être une menace pour la dignité humaine, la liberté de pensée et la vie privée. C’est pourquoi il est urgent d’établir un cadre éthique commun à l’échelle internationale, comme l’a fait l’UNESCO pour l’intelligence artificielle », déclare la Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay.
 
La conférence internationale de l’UNESCO, qui se tiendra le 13 juillet, explorera l’immense potentiel qu’offrent les neurotechnologies pour les soins neurologiques et la santé mentale, tout en identifiant les actions nécessaires pour faire face aux risques qu’elles font peser sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Des décideurs publics, des ONG, des universitaires, des chercheurs et des représentants du secteur privé du monde entier participeront à ce dialogue.

Jeter les bases d’un cadre éthique mondial

Ce dialogue s’appuiera sur le rapport du Comité international de bioéthique (CIB) de l’UNESCO consacré aux « Questions éthiques liées aux neurotechnologies », ainsi que sur une étude de l’UNESCO présentant pour la première fois des données sur le paysage des neurotechnologies : les innovations, les acteurs clés dans le monde et les principales tendances.

L’objectif est de favoriser une meilleure compréhension des enjeux éthiques liés à la gouvernance des neurotechnologies, afin d’élaborer un cadre éthique qu’approuveront à terme les 193 États membres de l’UNESCO – une méthode similaire a déjà été adoptée avec succès par l’UNESCO pour établir les cadres éthiques mondiaux sur le génome humain (1997), sur les données génétiques humaines (2003) et sur l’intelligence artificielle (2021).

L’instrument normatif mondial de l’UNESCO sur l’éthique de l’intelligence artificielle a été particulièrement opportun au vu des dernières avancées liées à l’IA générative, de l’omniprésence des technologies de l’IA et des risques qu’elles font encourir aux individus, aux démocraties et au secteur de l’emploi. La convergence des données neuronales et de l’intelligence artificielle génère des défis particuliers, déjà identifiés par la norme de l’UNESCO sur l’IA.

Les neurotechnologies pourraient réduire le poids des maladies…

La neurotechnologie désigne tout type de dispositif ou de procédure conçu pour « visualiser, surveiller, étudier, évaluer, manipuler et/ou reproduire la structure et le fonctionnement des systèmes neuronaux ». Les neurotechnologies comptent différents dispositifs dont les « wearables », des vêtements et accessoires connectés tels que les montres intelligentes et les Fitbits, les interfaces cerveau-ordinateur non invasives telles que les prothèses robotisées, ou les implants cérébraux actuellement élaborés en vue de traiter des handicaps tels que la paralysie.

Une personne sur huit dans le monde vit avec un trouble mental ou neurologique, ce qui représente jusqu’à un tiers des dépenses totales de santé dans les pays développés. Cette proportion augmente également dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette tendance devrait se poursuivre dans le monde entier car le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans doit doubler d’ici 2050 pour atteindre les 2,1 milliards (OMS 2022). Les neurotechnologies disposent d’un fort potentiel dans la réduction du nombre de décès et de handicaps causés par des troubles neurologiques tels que l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson et les accidents vasculaires cérébraux.

… mais elle pourrait également menacer les droits humains

En l’absence de garde-fous éthiques, ces technologies pourraient aussi présenter de graves risques, par la possibilité d’accéder aux informations du cerveau et de les manipuler, menaçant ainsi les droits et libertés fondamentaux, qui sont au cœur de la notion d’identité humaine, de liberté de pensée, de vie privée et de mémoire. Dans son rapport publié en 2021, le CIB de l’UNESCO documente ces risques et propose des actions concrètes pour y remédier.

Les données neuronales, qui enregistrent les réactions et les émotions basiques d’un individu, sont très convoitées sur les marchés de consommation. Contrairement aux données recueillies sur les individus par les plateformes de médias sociaux, la plupart des données neuronales sont générées inconsciemment, et leur utilisation n’est sont donc soumise à aucun consentement. Si des données sensibles tombaient entre de mauvaises mains, les conséquences pourraient être néfastes pour l’individu.

Les interfaces cerveau-ordinateur (ICM) implantées alors que des enfants ou  adolescents sont encore en plein développement neurologique sont susceptibles de perturber la maturation « normale » de leur cerveau. Elles pourraient transformer de jeunes esprits et façonner leur identité future, de façon durable voire permanente.

Les techniques de modification de la mémoire pourraient quant à elles permettre aux scientifiques de changer le contenu d’un souvenir et de reconstruire des événements passés. Pour l’instant, ces techniques reposent sur l’usage de médicaments, mais à l’avenir, une implantation de puces dans le cerveau pourrait être possible. Si de telles pratiques peuvent être jugées bénéfique pour des personnes traumatisées, elles pourraient aussi fausser le sentiment d’identité personnelle d’un individu.

Des risques d’aggravation des disparités et d’apparition de nouvelles inégalités à l’échelle mondiale

Actuellement, 50 % des entreprises de neurotechnologie se trouvent aux États-Unis et 35 % en Europe et au Royaume-Uni. Les neurotechnologies pourraient donner naissance à une nouvelle génération d’êtres « surhumains », ce qui augmenterait les inégalités en matière d’éducation, de compétences, de richesses et d’opportunités au sein des pays et entre eux, en donnant un avantage injuste à ceux qui disposent des technologies les plus avancées.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *