Pourquoi la Russie s’est placée du côté de l’Iran dans le conflit qui l’oppose à Israël ?
Ils ont un ennemi commun : les États-Unis. Mais il y a une raison plus terre-à-terre. La Russie cherche à tout prix à sécuriser la nouvelle route commerciale pour écouler son pétrole qu’elle a été contrainte d’ouvrir à la suite des sanctions occidentales. Le pays réussit à contourner les sanctions en vendant son pétrole à un prix décoté directement à l’Inde…qui ensuite le vend avec un premium à l’Europe. Résultat : les revenus tirés du pétrole de la Russie n’ont cessé de croître cette année !
Incursion des troupes ukrainiennes
Depuis le mois d’août, pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre avec l’Ukraine en février 2022, la Russie doit faire face à une incursion des troupes ukrainiennes sur son sol. Même si elle est limitée, cette incursion marque une rupture dans le déroulement de ce conflit armé. Sur le front intérieur, la situation économique semble cependant plus favorable pour le pouvoir en place. Malgré les sanctions, l’économie russe enregistre une croissance supérieure à la moyenne de celle des pays de l’OCDE.
En 2024, le PIB russe devrait augmenter de plus de 3 % en termes réels, renouant ainsi avec le rythme des débuts des années 2010. L’expansion semble s’accélérer ces derniers mois, selon la banque Goldman Sachs. Le chômage est proche d’un niveau historiquement bas. Bien qu’élevée (+9,1 % sur un an en juillet), l’inflation reste au dessus de l’objectif de 4 % fixé par la banque centrale. Avec des revenus monétaires en hausse de 14 % sur un an, le pouvoir d’achat des Russes augmente rapidement. La confiance des consommateurs, telle que mesurée par l’agence statistique russe, est bien supérieure à sa moyenne depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il y a 24 ans. Les achats de voitures et de meubles sont en hausse, tout comme ceux de produits alimentaires de luxe. Les Russes ont importé 18 % de cognac de plus qu’en 2019, et les importations de vins mousseux ont augmenté de 80 %. La Sberbank, une grande institution financière russe, souligne que les dépenses de consommation en juin ont augmenté de 20 % sur un an en termes nominaux. Ces résultats contrastent avec ceux des années 2010, durant lesquelles la production et les revenus augmentaient lentement, voire pas du tout. En 2018, les salaires réels n’étaient pas plus élevés qu’en
2012.
Depuis 2014, et surtout depuis 2022, la Russie a réussi à réorienter son économie
Les sanctions européennes contre la Russie tournent à plein régime. Selon Bloomberg, les pays de l’UE ont importé 7% de gaz naturel liquéfié russe cette année en plus que sur la même période l’an dernier. Parmi les principaux acheteurs : la France dont les livraisons ont doublé. Rien à ajouter…
Autrefois destinés à l’Europe, ses hydrocarbures sont désormais exportés vers d’autres parties du monde. Certes, le prix du pétrole est plus bas qu’il y a quelques années, et au premier trimestre 2024, la valeur totale des exportations physiques de la Russie était inférieure de 4 % en dollars à celle de la même période en 2023, et d’un tiers par rapport à 2022. Pour autant, les ménages n’en subissent pas les conséquences. L’amélioration de leur situation est en partie liée à l’abandon de l’austérité budgétaire. En 2024, la Russie connaîtra un déficit budgétaire de 2 % du PIB, facilement financé grâce aux réserves financières accumulées au cours des années 2010. Les dépenses publiques totales ont augmenté en moyenne de 15 % en 2022 et 2023. Pour cette année, la hausse devrait être supérieure à 10%, avec une augmentation légèrement moindre que prévue pour l’année prochaine. Selon la Banque de Finlande, les dépenses militaires augmenteront d’environ 60 % cette année, ce qui stimulera la production d’armes et de munitions. En juillet, Vladimir Poutine a doublé la prime fédérale accordée à ceux qui s’engagent pour combattre, la faisant passer de 195 000 roubles (2 200 dollars) à 400 000 roubles, prime que les autorités régionales sont censées compléter. Le gouvernement a également décidé d’indemniser les familles des personnes tuées au combat. Les allocations sociales, notamment celles liées aux pensions de retraite, ont été accrues en juin. Les pouvoirs publics continuent de réaliser des infrastructures, comme une autoroute reliant Kazan à Ekaterinbourg, deux villes distantes de 730 kilomètres.
La bonne santé de l’économie russe s’explique également par la mise en œuvre d’une politique monétaire stricte. Afin d’endiguer une inflation élevée, la banque centrale a augmenté les taux d’intérêt de 7,5 % à 18 %, ce qui a conduit à l’appréciation du rouble. Les taux élevés et la hausse du rouble attirent des capitaux en provenance des « pays amis » comme la Chine, l’Inde ou certains pays du Golfe. Ces taux élevés incitent, par ailleurs, les Russes à épargner, réduisant ainsi leurs dépenses de consommation, ce qui freine l’inflation. Durant de nombreux mois, les autorités russes ont protégé, en partie, la population des effets de la hausse des taux en instaurant des systèmes de bonifications, en particulier pour les prêts immobiliers. Un programme hypothécaire, récemment clôturé, a maintenu les taux débiteurs à 8 %, soit moins de la moitié du taux directeur actuel, mais il a été récemment arrêté en raison de son coût. Les banques ont été incitées à proposer des congés de prêt aux soldats mobilisés dans le cadre du conflit
avec l’Ukraine. Un programme « d’hypothèques industrielles » a permis d’accorder des prêts aux entreprises à des taux bas, de 3 % par an. Les prêts aux entreprises augmentent de plus de 20 % par an. Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, les prêts à la consommation non garantis ont augmenté à peu près aussi vite que les salaires nominaux. Selon des données officielles, au premier trimestre de cette année, les ménages ont consacré 11 % de leur revenu disponible au remboursement de leurs dettes, soit à peu près le même niveau qu’il y a trois ans, avant le début de la guerre en Ukraine.Les pouvoirs publics peuvent compter sur les fonds souverains pour maintenir leur politique de soutien à l’économie. Ces réserves permettent de tenir cinq ans.
Cependant, la résilience de l’économie pourrait être mise à mal par les pénuries de main-d’œuvre accrues par les besoins en personnel de l’armée. En raison d’une demande en hausse, les tensions inflationnistes demeurent vives, empêchant une baisse rapide des taux directeurs.
Par le Cercle de l’Épargne