sam. Nov 16th, 2024

Alors que les messages monétaires de la BCE et de la Fed continuent d’être incisifs, la volatilité sur les marchés actions en Europe et aux Etats-Unis est retombée à son plus bas niveau depuis début 2020, avant le début de la crise Covid.

 

Une situation qui s’explique par la disparition de certains risques de 2022 comme les confinements sanitaires en Chine, mais aussi par la « détente » d’autres risques, toujours présents, comme le conflit en Ukraine, mais qui ne pèse plus sur le marché des matières premières avec la normalisation des prix de l’énergie. Le contrat de référence pour le gaz naturel en Europe (Dutch TTF) a vu son prix chuter à 23 euros/MWh il y a quelques jours, soit dans la moyenne des prix observés les années précédant l’éclatement de la guerre. Même constat pour le pétrole qui a retrouvé des cours tout à fait normaux. Enfin, concernant le dernier risque qui avait fait chuter les marchés en 2022, à savoir le resserrement monétaire, nous nous rapprochons de la fin du cycle de hausse de taux même si le contexte reste « hawkish ».

 

Faut-il donc en conclure que le plus dur est passé pour les marchés financiers ? La réponse est probablement oui même s’il convient de ne pas minorer un facteur qui pourrait pousser les marchés à un peu plus de consolidation. Ce facteur c’est la trajectoire économique mondiale. En dehors de la période Covid, exceptionnelle par sa nature, nous devrions connaître cette année la plus faible croissance mondiale depuis la période 2008-2009 à 2.7% selon les dernières prévisions de l’OCDE.

 

La reprise en Chine, comme nous l’anticipions dans nos dernières projections, manque de dynamique avec des publications de chiffres économiques très souvent en-dessous des attentes au cours des 3 derniers mois, au point de nécessiter la mise en place de mesures de soutien de la part des autorités, comme l’abaissement des taux de financements pour les banques ou encore la diminution des taux de dépôts bancaires.

 

Et cette reprise molle en Chine ne s’explique pas seulement par le facteur de la demande domestique mais aussi par la faiblesse du moteur manufacturier et de celui du commerce extérieur. Le commerce extérieur chinois souffrant lui-même d’une croissance ralentie en Europe et aux Etats-Unis par l’impact de l’inflation et le durcissement des conditions financières via les politiques monétaires.

 

Les dernières prévisions de la Fed, même si elles ont été rehaussées par rapport aux projections de mars, ne sont que de 1%, ce qui reste faible pour l’économie américaine et pourrait évidemment encore être soumis à révision à l’automne. Même constat pour la zone euro avec une croissance anticipée par la BCE de 0.9%.

 

Et ces prévisions de croissance pourraient sous-estimer l’impact dans les mois qui viennent des politiques monétaires. Comme l’ont indiqué Jerome Powell et Christine Lagarde dans leurs discours respectifs, les pleins effets des politiques monétaires doivent encore se faire sentir. A l’heure où les états diminuent les soutiens fiscaux et budgétaires pour retrouver des niveaux d’endettement plus raisonnables, les consommateurs se trouvent toujours confrontés à une inflation élevée et des conditions de crédit dégradées, avec un stock d’épargne qui a fondu. Aux Etats-Unis par exemple, l’épargne totale des ménages américains est retombée il y a quelques mois à son plus bas niveau depuis la crise de subprimes. On constate d’ailleurs que ce stock d’épargne est en train de se reconstituer progressivement ce qui pourrait peser sur la consommation aux Etats-Unis au second semestre, sachant que les encours de carte de crédit ont significativement augmenté. Avec le resserrement financier à l’œuvre post-stress bancaire, les crédits redevenus très chers Outre-Atlantique pourraient être moins accessibles et, là aussi, peser sur l’appétit de consommation.

 

Ce qui ne serait pas pour déplaire à la Fed qui accepte l’idée d’une croissance plus faible pendant quelques temps, justement pour contenir la trajectoire des prix et assouplir le marché du travail.

 

En Europe la croissance des crédits aux ménages est retombée à 2.5% contre 4.6% au pic l’année dernière. C’est désormais la plus faible croissance des prêts depuis…2017. Ce qui, là aussi, devrait continuer à peser sur la consommation et donc la croissance.

 

Le risque pour les marchés financiers dans les mois qui viennent est d’être confronté à une croissance économique faible, voire même un risque de récession aux Etats-Unis (si on considère la trajectoire des indicateurs avancés comme fiable), le tout dans un contexte monétaire qui peut encore se durcir. Les projections annuelles des entreprises, plutôt bien orientée lors des publications du premier trimestre, pourraient nécessiter une révision à la baisse dans certains secteurs. Et donc favoriser la consolidation des indices boursiers dont les valorisations sont clairement redevenues « généreuses » au vu des perspectives macroéconomiques.

 

 

 

 

Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France

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