Par Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès
La chute du gouvernement Barnier n’a pas conduit à une hausse en valeur absolue du spread français mais à une hausse relative. Les craintes de tensions sur la dette publique française du fait de l’instabilité politique ne se sont pas matérialisées, notamment du fait de l’anticipation d’une baisse des taux de la BCE.
Cependant, en comparant l’évolution du spread français avec celui des autres pays européens présentant une situation semblable de leurs finances publiques, il apparait que la baisse du spread a été légèrement moins marquée en France, la chute du gouvernement a donc bien eu un effet sur les conditions d’emprunt françaises.
Chute du gouvernement Barnier : Le scénario redouté d’une hausse du spread ne s’est pas matérialisé
Les tensions sur le marché de la dette publique française ne se sont pas accrues suite à la chute du
gouvernement Barnier. La bonne nouvelle de ces derniers jours pour l’économie française est que les
évènements ont donné tort aux économistes – dont l’auteur de ces lignes fait partie1 – qui craignaient que
la chute du gouvernement Barnier entraîne une hausse des taux et du spread sur la dette publique française.
Les spéculations sur une possible baisse de taux de la BCE plus forte qu’attendue2 ont vraisemblablement
expliqué une tendance baissière des taux souverains et des spreads en Europe (des taux plus bas limitent
le risque de défaut, donc abaissent le spread). Ce constat ne doit pas amener à conclure que le
renversement du gouvernement était un geste prudent et raisonnable, dans un contexte de tensions notables
sur la dette publique française depuis la dissolution du mois de juin. De la même façon que l’on essaie
toujours de retenir un ami de prendre le volant quand il a bu, même s’il n’écoute jamais et n’a jamais
d’accident, il est nécessaire d’alerter sur le risque de hausse des taux souverains quand une politique que
l’on juge déraisonnable est sur le point d’être menée.
Spread français : Une légère hausse relativement à nos voisins
Le spread français a certes baissé depuis la chute du gouvernement, mais légèrement moins que
celui des pays comparables, ce qui équivaut à une hausse relative. En termes de niveau de spread,
c’est-à-dire de risque de défaut souverain perçu par les investisseurs, la France est désormais comparable
aux pays d’Europe méditerranéenne. Depuis la chute du gouvernement Barnier, les spreads de nos voisins
les plus comparables ont plus baissé que celui de la France. Par exemple, au cours du mois ayant précédé
la chute du gouvernement, le spread français a été en moyenne de 78,1 points de base, et de 76,6 points
de base depuis, soit une baisse de 1,5 point de base, ou de 2 %. La baisse a été plus significative dans les
pays européens comparables, par exemple avec une baisse du spread italien de 12 % sur les mêmes dates.
En d’autres termes, l’instabilité politique en France semble avoir empêché le pays de bénéficier
pleinement de la tendance baissière des spreads en Europe ces dernières semaines.
Sans la chute du gouvernement, le spread français aurait pu être inférieur de 7 points de base. En
postulant que, sans l’instabilité politique que connaît la France et qui lui est propre, le spread du pays
aurait suivi la même tendance que la moyenne des spreads de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne et de la
Grèce, alors le spread français aurait baissé de 11 %3, soit d’environ 7 points de base.
1 https://asteres.fr/dette-publique-francaise-le-spectre-de-tensions-accrues/
2 https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-bce-pourrait-baisser-ses-taux-plus-
fortement-quattendu-2135600
3 Evolution entre le niveau moyen du spread au cours du mois ayant précédé la chute du gouvernement Barnier
et son niveau moyen depuis.