Par Gérard Bekerman, Président de l’Afer (première association d’épargnants en France)
Un funeste amendement vient de convertir l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, en IPI, l’impôt sur le patrimoine improductif. Pourquoi ?
L’amendement présenté par le Modem sous le nom d’IPI,
impôt sur le patrimoine improductif.
I, comme incompétence. Oser qualifier les fonds généraux de l’assurance vie comme « improductifs », c’est oublier qu’ils financent les entreprises à hauteur de 620 milliards, et 590 autres milliards en emprunts d’État. Je ne savais pas que les routes, la santé, nos hôpitaux, notre sécurité, intérieure et extérieure, l’éducation relevaient de dépenses « improductives ». Est-ce si improductif que de prêter à l’État ? Combien de temps l’État va-t-il tenir si, du jour au lendemain, on vend nos obligations publiques, si, du jour au lendemain, l’État ne peut plus emprunter et doit faire face à un renchérissement du coût de la dette ? Il faudra alors se souvenir des responsables
de ce scénario.
I, comme irresponsable. Les assureurs risquent de devoir gérer des retraits massifs de ces fonds généraux. Eux qui n’aiment que le long terme devront apprendre à gérer le court terme. Seront-ils assez liquides ? Pourront-ils gérer leurs possibles moinsvalues obligataires ? Les taux d’intérêt monteront. Le coût de la dette augmentera. À vouloir gagner quelque 300 millions de « recettes » supplémentaires de l’IPI, on feraperdre 3 milliards de renchérissement du service de la dette publique. En taxant, on appauvrit la France.
Le 3e i, mérite une majuscule, l’Injustice. Comment ose-t-on accabler ces millions de Français, pour la plupart des gens modestes qui ont eu le courage, la patience, la prévoyance de mettre une épargne sécurisée de côté pour leurs vieux jours et, du jour au lendemain, vont subir une amputation du pouvoir d’achat de leurs fonds généraux car 1 % de moins sur un fonds qui ne rapporte que 2,5 % ne laisse plus grand-chose.
Pire, ce projet fiscal vise un très grand nombre d ’épargnants, souvent des personnes âgées qui ont choisi les fonds généraux sécurisés plutôt que les unités de compte comportant des risques. Ils seront pénalisés. Gageons que notre contrôleur prudentiel aura la bonne inspiration de dénoncer un si mauvais conseil. L’IPI est une taxe sur les Français modestes. 34 millions d’épargnants bénéficient d’une assurance vie. On ne taxe pas un trésor public. Plus de 10 millions sont des ouvriers, des employés, desagriculteurs, des retraités, des gens qui ont fait confiance en la parole publique et l’ont perdue. L’IFI est une atteinte à la démocratie financière, un irrespect à l’égard des citoyens. Encourageons une fiscalité qui libère l’épargne longue. Dénonçons un impôt mesquin qui décourage le travail et les richesses. Taxer l’assurance vie, c’est taxer la France. La France n’a pas besoin d’une vengeance fiscale mais d’une justice sociale, équitable et attractive. Finalement, je ne vois qu’une seule chose qui soit « improductive » dans ce nouvel impôt, c’est l’IPI lui-même.