mer. Oct 1st, 2025

Le 1er juillet dernier, la Chine a officiellement déclaré la guerre à l’involution, terme désignant une concurrence intense et improductive qui conduit à des rendements décroissants. Ce tournant stratégique vise à s’attaquer à un problème structurel majeur de l’économie chinoise : les surcapacités de production, responsables de pressions déflationnistes.

Si certains observateurs restent prudents, marqués par le souvenir de la réforme de 2015, les investisseurs ont perçu la logique de cette nouvelle politique. En témoignent les rallys de 10 % à 70 % sur des métaux industriels tels que l’acier, le lithium et le polysilicium, composant essentiel des panneaux photovoltaïques. Contrairement à un simple stimulus conjoncturel, l’anti-involution se veut une transformation structurelle de l’économie chinoise.

Pourquoi une politique anti-involution maintenant ?

Les mesures de soutien budgétaire mises en place fin 2024 n’ont pas suffi à rendre soutenable le rebond de l’activité, notamment de la demande interne. En août, le taux d’inflation ressortait à -0,4 %, signalant une consommation très faible. Le chômage des jeunes a atteint 18,9 %, un plus haut depuis 2023, reflétant la faiblesse du secteur privé, qui représente 80 % des emplois.

Le secteur immobilier reste en crise, marqué par la baisse des prix dans le neuf et des ventes résidentielles. Faute de visibilité sur le marché du travail et confrontés à la crise immobilière, les ménages préfèrent épargner plutôt que consommer, comme l’a révélé une enquête de la PBOC au deuxième trimestre. Les pressions déflationnistes se sont accentuées dans ce contexte, aggravées par l’escalade tarifaire avec les États-Unis. Il devenait urgent d’agir en ciblant cette fois les surcapacités de production.

La logique de l’anti-involution

L’objectif de la politique est de lutter contre la concurrence improductive afin de rétablir les marges des entreprises. Les autorités estiment qu’en réduisant cette compétition destructrice, les profits augmenteront, ce qui pourrait aussi stimuler l’inflation.

Les secteurs visés sont stratégiques : véhicules électriques, batteries, panneaux photovoltaïques et acier, où la Chine occupe une position dominante au niveau mondial. Dans ces filières, la croissance de l’offre a dépassé la demande, générant des surcapacités, une baisse des prix et une érosion des marges. Près de 23 % des entreprises industrielles chinoises enregistrent aujourd’hui des pertes, un niveau inédit depuis 2001.

Le gouvernement s’inquiète de ce phénomène car il menace la capacité des entreprises à investir, à créer des emplois et à maintenir leur avance technologique. La contraction des marges accroît également les risques financiers, les profits insuffisants ne permettant pas de couvrir les dettes contractées auprès des banques.

Différences avec la réforme de l’offre de 2015

Ce n’est pas la première fois que Pékin s’attaque aux surcapacités. En 2015, la « réforme structurelle de l’offre » visait principalement les entreprises d’État (SOE), notamment dans l’acier et le charbon. À l’époque, il avait fallu deux à trois ans pour réduire significativement les capacités et relancer les prix, ce qui avait permis à l’inflation à la production de repasser en territoire positif après 54 mois de baisse.

La situation actuelle diffère : les surcapacités concernent cette fois les entreprises privées, qui représentent 60 % du PIB et 80 % des emplois. De plus, la crise immobilière débutée en 2021–2022 reste entière, les prix continuant de baisser faute de demande. Enfin, la dette publique a atteint 100 % du PIB, ce qui limite les marges de manœuvre budgétaires.

Quelles perspectives pour la réduction des surcapacités ?

Xi Jinping a affirmé sa détermination lors de la Réunion de la Commission centrale des affaires financières et économiques, organe clé des décisions stratégiques. Les estimations montrent que les surcapacités sont particulièrement élevées dans les machines (69 %), le ciment (51 %) et les modules solaires (40 %). Beaucoup de ces industries sont liées à celle des véhicules électriques.

Les autorités privilégient une approche différente de celle de 2015. Il ne s’agit pas d’éliminer massivement des capacités, mais de cibler les moins performantes tout en maintenant une dynamique de croissance dans les secteurs stratégiques. Ainsi, l’accent est mis sur une réorientation des investissements vers des domaines innovants comme l’intelligence des véhicules et la conduite autonome. De nouvelles normes de sécurité, applicables dès 2026, devraient également favoriser une consolidation du secteur.

Quels impacts sur la croissance chinoise ?

L’anti-involution est conçue comme une transformation structurelle visant à équilibrer croissance, durabilité et innovation. Toutefois, à court terme, elle risque de peser sur l’activité. Les indicateurs conjoncturels de juillet et août en portent déjà la trace.

Pour amortir ces effets, les autorités accompagnent la réforme de mesures de soutien à la demande interne : plan de consommation et nouveau plan d’urbanisation. Ce dernier vise à offrir un meilleur accès au logement et aux services publics aux travailleurs migrants, encore exclus d’une partie du marché immobilier malgré un taux d’urbanisation de 67 %.

Contrairement à 2015, la PBOC ne devrait pas utiliser une dévaluation du yuan, afin d’éviter les sorties de capitaux et de préserver la stabilité financière, tout en restant concentrée sur la guerre commerciale avec les États-Unis.

Face à l’intensification des pressions déflationnistes et à la faiblesse du secteur privé, Xi Jinping a choisi de s’attaquer au cœur du problème : les surcapacités de production. Contrairement à la réforme de 2015, cette fois-ci les entreprises privées sont directement visées, notamment dans les secteurs liés aux véhicules électriques.

La stratégie adoptée repose sur une réduction sélective des capacités et une réorientation vers l’innovation, accompagnée de mesures de soutien à la demande interne. L’anti-involution marque ainsi un changement structurel majeur pour l’économie chinoise, visant à concilier croissance, durabilité et innovation.

Zouhoure Bousbih

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