jeu. Août 14th, 2025

Par Valentin URRUTIAGUER – Responsable de la Gestion Cross-Asset – salamandre & Auris gestion

Au premier siècle avant J.-C., le roi perse Mithridate VI était connu pour consommer régulièrement de faibles doses de poison, accoutumant ainsi son corps et développant une résistance aux substances toxiques. La mithridatisation est le fait d’ingérer des doses croissantes d’un produit toxique afin d’acquérir supposément une insensibilité ou une résistance vis-à-vis de celui-ci. Au 21ème siècle, le produit toxique peut prendre bien des formes : droits de douane, inflation, ralentissement économique, enjeux géopolitiques… Les marchés financiers semblent pourtant immunes à toute forme de pressions baissières, à l’image des entreprises du S&P 500 qui ont dans l’ensemble affiché des résultats satisfaisants au deuxième trimestre malgré l’impact des droits de douane, ou encore du Nasdaq qui a clôturé la semaine sur un plus haut historique. La dernière microdose de poison porte sur le segment hautement sensible des semi-conducteurs, Nvidia et AMD se voyant contraintes de reverser 15% de leur chiffre d’affaires issu des ventes de puces en Chine au Trésor américain, soit une manne supplémentaire pour le gouvernement de l’ordre de 7Mds de dollars sur la base des chiffres d’affaires de 2025.

La diffusion progressive de la substance (politique) Trump se fait sentir quotidiennement, que ce soit sur le front microéconomique avec l’engagement de Tim Cook, PDG d’Apple, d’investir 100Mds de dollars supplémentaires aux États-Unis afin d’échapper aux surtaxes de 100%, portant l’investissement de la firme à la pomme à 600Mds de dollars sur 4 ans, ou, au sein même des instances économiques, avec la probable nomination (temporaire) de Stephen Miran, l’actuel président du Conseil économique de la Maison- Blanche, en tant que gouverneur de la Réserve fédérale pour être le porte-parole d’une politique prônant la baisse des taux et l’affaiblissement du dollar. La prescription est cependant loin d’être sans effets secondaires puisque les indicateurs macroéconomiques commencent à montrer des signes de faiblesse, tant au niveau de l’emploi avec la hausse des inscriptions continues au chômage et la contraction de la composante emploi de l’ISM des Services, qu’au niveau de l’activité avec un ISM des Services en très légère phase d’expansion (50.1 pour le mois de juillet) alors que la composante des prix payés explose à 69.9, son plus haut niveau depuis octobre 2022. Il sera justement question d’inflation cette semaine aux États-Unis, tandis que l’inflation cœur a atteint un plancher depuis trois mois et semble repartir à la hausse, et alors que le gouvernement remet de plus en plus en cause la probité des statistiques économiques.

La substance Trump continue même d’opérer sur le front géopolitique après la signature d’un accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à Washington avec le Président des États-Unis dans le rôle du médiateur, un rôle qui appuie davantage sa candidature au prix Nobel de la paix selon les principaux protagonistes, et qui vient par la même occasion chasser la Russie du Caucase, une de ses principales zones d’influence. A quelques jours d’un rendez-vous stratégique en Alaska avec Vladimir Poutine pour décider du sort de l’Ukraine, et sans l’Union européenne ni Volodymyr Zelensky, cet accord revêt presque un aspect symbolique quant à la capacité de Donald Trump à dénouer les conflits les plus complexes.

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