Claudia Panseri et les équipes d’UBS restent à votre disposition pour toute demande complémentaire.
Les marchés actions ont continué d’atteindre de nouveaux sommets ces dernières semaines. Après une brève correction liée à des signes de faiblesse sur le marché de l’emploi américain et à des droits de douane plus élevés que prévu aux États-Unis, les actions ont rapidement repris leur progression, portées par de solides résultats d’entreprise, une inflation américaine inférieure aux attentes et l’espoir de futures baisses des taux par la Réserve fédérale.
Nous sommes de plus en plus sollicités sur la question d’une éventuelle bulle sur les marchés actions. Il est vrai que les valorisations dépassent les moyennes historiques, que les anticipations de bénéfices restent élevées, et que l’histoire montre que les bulles surviennent fréquemment lors de périodes d’enthousiasme autour de nouvelles technologies. Toutefois, la position et le sentiment des investisseurs restent modérés. La participation des particuliers et le recours à l’effet de levier demeurent inférieurs aux niveaux précédents. Enfin, la croissance effective des bénéfices reste solide. Ce sont autant d’éléments qui nous empêchent de qualifier de « bulle de marché » la situation actuelle. Par ailleurs, la Réserve fédérale semblant très probablement prête à entamer un nouveau cycle d’assouplissement dès septembre, nous estimons que le risque de formation d’une bulle future doit être considéré comme au moins aussi probable que l’éclatement d’une bulle actuelle.
Pour évaluer le risque de bulle sur les marchés actions, nous avons utilisé un cadre reposant sur sept questions : Les valorisations sont-elles élevées par rapport aux mesures de valorisation traditionnelles ? Les prix anticipent-ils une forte appréciation future des bénéfices ? Les achats sont-ils financés par un effet de levier important ? Les acheteurs ou les entreprises effectuent-ils des achats anticipés ? De nouveaux participants sont-ils arrivés sur le marché ? Le sentiment général est-il fortement haussier ? Un durcissement des conditions pourrait-il faire éclater la bulle ?
Dans ce contexte, les indicateurs d’une bulle sur les marchés aujourd’hui apparaissent mitigés. Les valorisations restent élevées par rapport aux moyennes historiques, et les investisseurs tablent sur une croissance soutenue des bénéfices, notamment chez les géants de la tech. Même si les investissements dans la tech semblent justifiés si on regarde les opportunités offertes par l’IA, ils sont réalisés dans l’espoir de rendements futurs plus élevés.
Concernant l’effet de levier, les données du Conference Board indiquent que les soldes débiteurs sur les comptes sur marge (l’argent emprunté pour investir) ont progressé d’environ 50 % au cours des deux dernières années, tout en restant inférieurs aux pics de fin 2021. Par ailleurs, le sentiment des investisseurs demeure modéré : les positions sont proches de la neutralité et le sondage de l’American Association of Individual Investors a récemment affiché des positions nettes baissières. Enfin, bien que la part des investisseurs particuliers dans l’activité sur actions soit nettement plus élevée qu’avant la pandémie, elle reste en dessous du record historique de 31 % observé en décembre 2020.
Il est important de souligner que, même si la dynamique actuelle du marché pouvait être qualifiée de bulle, l’une des causes typiques de l’éclatement — la hausse des taux d’intérêt — semble peu probable à court ou moyen terme. Nous anticipons une baisse des taux de la Fed de 25 points de base en septembre, suivie d’une réduction supplémentaire de 75 points de base d’ici la mi-année prochaine. Toutefois, dans un contexte de conditions financières déjà très accommodantes, de nouvelles baisses de taux pourraient favoriser un retour de l’inflation, ce qui risquerait d’entraîner une forte correction des valorisations.
Parallèles avec la bulle internet. La comparaison entre la performance des « 7 Magnifiques » actuels et un panier « Tech 2000 » montre que l’ampleur des hausses de prix est déjà similaire. Toutefois, le rallye actuel des « 7 Magnifiques » s’appuie sur une croissance des bénéfices nettement supérieure à celle du panier « Tech 2000 ». Par exemple, la croissance annuelle moyenne composée des bénéfices des « 7 Magnifiques » sur les trois dernières années (2021-2024) atteint environ 38 % (la médiane se situe plutôt entre 12 et 16 %), contre 15 à 20 % pour les grandes valeurs technologiques lors de la bulle internet. De plus, les ratios cours/bénéfices (P/E) des géants technologiques actuels sont bien inférieurs à ceux observés au sommet de la bulle internet : le P/E médian des « 7 Magnifiques » est aujourd’hui d’environ 33x, contre plus de 48x pour les leaders technologiques en 2000 (Fig. 1). Les normes comptables modernes plus strictes suggèrent également une meilleure qualité de la croissance des bénéfices. Le contexte macroéconomique est différent : la Fed s’apprête à baisser ses taux, alors qu’en 1999-2000, elle les avait relevés de 175 points de base.
Graphique 1 – Les valorisations des géants technologiques actuels restent nettement inférieures à celles observées au sommet de la bulle internet Ratio cours/bénéfices anticipé à 12 mois |
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Cela dit, les investisseurs doivent rester vigilants : plusieurs facteurs ayant provoqué l’éclatement de la bulle internet méritent d’être suivis de près au cours de ce cycle. En 2000, la réduction des investissements (capex), la surcapacité et les déceptions en matière de bénéfices avaient entraîné une perte de confiance, exposant les valorisations alors que les attentes de croissance s’effondraient. Ainsi, même si les perspectives à long terme et le contexte macroéconomique semblent favorables, il faudra surveiller l’évolution de l’accès au capital, l’appétit des fonds de capital-risque, et les progrès dans la monétisation des investissements en IA pour évaluer les risques actuels du marché.
Comment se positionner ? Dans notre scénario de référence, nous continuons d’anticiper une progression à un chiffre de l’indice américain des actions d’ici juin 2026. Les investisseurs sous-exposés aux actions devraient profiter des replis de marché à court terme pour renforcer leur exposition à nos secteurs privilégiés. La dispersion élevée offre également davantage d’opportunités au niveau des titres individuels. Outre l’IA, l’énergie et les ressources, et la longévité, nous privilégions actuellement la technologie américaine, la santé, les services aux collectivités et les financières. En Europe, les dividendes distribués par les sociétés suisses de haute qualité, les actions européennes de qualité et les industriels européens représentent des alternatives intéressantes. Les entreprises européennes exposées à une augmentation des dépenses de défense, à un plan de relance budgétaire en Allemagne, ainsi qu’à une éventuelle trêve ou un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine peuvent également être envisagées.
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