Olivier Guillou, Directeur de la Gestion
Alors que les États-Unis actent la fin du plus long shutdown gouvernemental de leur histoire (le 12 novembre, après 43 jours), avec une suspension limitée au 30 janvier pour certains secteurs — l’approche de Thanksgiving ayant probablement calmé les velléités de blocage —, la France expérimente une nouvelle ère de construction budgétaire marquée par une équation de consensus majoritaire difficile à résoudre.
L’exercice semblait compliqué, voire impossible, mais puisque la stabilité politique est l’objectif recherché à tout prix, celle de la trajectoire budgétaire attendra. Sur la base d’une étude de l’OCDE évoquant le coût de l’incertitude économique pour l’économie française, certains soulignent le moindre mal d’un budget protéiforme face aux recettes ou économies abandonnées. Avant l’examen des textes au Sénat — qui devrait revenir à une certaine orthodoxie —, il apparaît clairement que l’incertitude fiscale a pris le pas sur l’incertitude politique, notamment avec des propositions de taxation sur l’épargne des Français sans contreparties en matière de réduction des dépenses de fonctionnement.
La taxation potentielle de l’assurance-vie au titre d’actifs improductifs reviendrait, en réalité, à taxer la dette française détenue par les ménages (estimée à 70 % du montant des fonds en euros). Faut-il craindre une activation d’une clause de la loi Sapin 2 ? Pas à ce stade, évidemment, mais la question mérite d’être posée.
Aux États-Unis, il conviendra d’examiner l’impact de la paralysie budgétaire sur l’activité du quatrième trimestre une fois les publications de statistiques relancées. Le Congressional Budget Office (CBO) estime cet effet négatif entre 1 et 2 points de croissance trimestrielle annualisée du T4 2025. Cette perte résulte d’une double contraction : la baisse des dépenses publiques et celle de la consommation des ménages privés de revenus.
Lors du précédent shutdown record, achevé en janvier 2019, trois milliards de dollars avaient été considérés comme irrémédiablement perdus, faute de reprise d’activité. Pour la période actuelle, nous envisageons néanmoins que les dégâts économiques observés seront en grande partie réversibles. Mais les données manquent encore.
En raison du shutdown, les chiffres de croissance du PIB du troisième trimestre n’ont pas été publiés, pas plus que ceux de la consommation des ménages en septembre ou ceux de l’emploi des deux derniers mois. Selon les dernières informations disponibles, ces statistiques devraient être publiées d’ici fin novembre, mais les données d’octobre restent à risque faute de collecte.
Même si le cas français n’inquiète pas particulièrement — l’écart OAT-Bund à 10 ans s’est réduit cette semaine et le CAC 40 a atteint un nouveau plus haut le 13 novembre —, la fin du shutdown et de la période de résultats marque une nouvelle étape, ouverte sous des auspices plus incertains : regain de volatilité, tensions sur les taux, craintes sur les valeurs technologiques et de croissance à P/E élevé. L’or, d’ailleurs, reprend des couleurs sur la semaine.
« […], la France expérimente une nouvelle ère de construction budgétaire avec une équation de consensus majoritaire difficile à résoudre. »
