Un marché automobile mythique, gangrené par les fausses cartes grises. La Shelby Cobra, la Ford GT40 ou encore la Porsche 550 font partie de ces modèles qui ont marqué l’histoire de l’automobile et nourri l’imaginaire collectif.
Leur valeur peut atteindre plusieurs millions d’euros pour les rares exemplaires originaux, ce qui a favorisé l’essor d’un marché parallèle : celui des répliques. Elles promettent l’esthétique et les sensations des icônes de course, et séduisent des collectionneurs toujours plus nombreux.
Mais derrière cette passion se dissimule une dérive massive : selon les spécialistes du secteur, entre 70 et 90 % des annonces publiées en France concernent des véhicules dont les papiers sont irréguliers ou frauduleux (source). Cartes grises usurpées, dates inventées, documents achetés par corruption avant 2017… les méthodes sont multiples et les conséquences désastreuses : véhicules invendables, absence totale d’assurance en cas d’accident, pertes financières considérables pour les acheteurs (source). Le propriétaire, s’il n’est pas à l’origine de la fraude, se trouve alors victime non pas d’un vice caché, mais d’un dole juridique (dissimulation de la vérité). Ce dole est commis par le vendeur (professionnel ou non) (source).
Face à ce fléau, Benjamin Déchelette, fondateur de Bourgogne Auto Classic et spécialiste reconnu des répliques de Cobra, a choisi de tirer la sonnette d’alarme.
Fort de près de cent véhicules homologués en France, il se positionne aujourd’hui comme lanceur d’alerte pour protéger collectionneurs et passionnés, et préserver l’intégrité d’un patrimoine automobile menacé.
Le mythe et son revers
Entre 1963 et 1967, seuls 1002 exemplaires de Cobra originelles ont été produits. Leur valeur se situe aujourd’hui entre 900 000 € et 5 millions d’euros. Cette rareté a encouragé l’apparition de répliques, proposées à des prix beaucoup plus accessibles, généralement entre 70 000 et 120 000 €.
Ces voitures procurent une expérience de conduite proche de celle des modèles historiques et bénéficient d’une forte notoriété culturelle, notamment depuis la sortie du film Le Mans 66, qui retrace l’histoire de Carroll Shelby, de la Cobra et de la GT40.
En France, la réglementation en matière d’homologation est cependant l’une des plus contraignantes d’Europe, rendant la circulation légale de ces répliques extrêmement difficile.

Les règles du jeu en France
En matière d’immatriculation, la législation française distingue deux types de cartes grises :
- La première est la carte grise normale, délivrée pour les véhicules modernes disposant d’un certificat de conformité européen ou français. Or, les plus belles répliques américaines n’en possèdent jamais. Certaines répliques de moindre notoriété, furent produites par de petits constructeurs français, eux seuls disposent de COC.
- La seconde est la carte grise de collection, attribuée sous l’autorité de la Fédération Française des Véhicules d’Époque (FFVE), organisme placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Intérieur et de celui de la Transition écologique. Pour qu’un véhicule puisse prétendre à ce statut, trois conditions cumulatives sont exigées : il doit avoir plus de trente ans, ne plus être en production, et être conservé dans son état d’origine.
Ces critères rendent de fait impossible l’immatriculation légale de la plupart des répliques modernes.
La voie de l’homologation individuelle, appelée Réception à Titre Isolé (RTI) et instruite par la DREAL et l’UTAC, n’apporte pas davantage de solutions : les normes françaises et européennes en matière de bruit, de pollution ou de sécurité, alignées sur celles applicables à une voiture contemporaine, ne peuvent pas être respectées par des modèles qui reprennent des mécaniques anciennes.
Ainsi, une Cobra réplique produite en 2010 est soumise aux mêmes obligations qu’une Peugeot ou une Renault de 2010. Dans la pratique, cela revient à interdire toute homologation (Homologation théoriquement possible mais après de profondes modifications afin de rendre la réplique conforme aux exigences de la réglementation applicable à son millésime réel).
Un fléau national : la fraude
Cette impossibilité a favorisé la prolifération de faux papiers. Avant 2017, des fraudes massives ont été commises dans les préfectures : corruption de guichetiers, complaisance ou laxisme ont permis de délivrer des cartes grises sans aucun fondement légal. Depuis 2017, les fraudeurs donnent plutôt dans le faux certificat de conformité (COC) afin de gruger l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (A.N.T.S.). Comme il y a des faux arrêts maladie, il y a aussi des faux COC. Aujourd’hui encore, 70 à 90 % des annonces de répliques en ligne sont suspectes.
Les méthodes sont variées :
- Usurpation de cartes grises de Mustang des années 1960 ;
- Dates de fabrication falsifiées ;
- Marques inventées ou inexistantes.
Sur les plateformes de petites annones, on trouve ainsi des « Cobra 1966 » proposées à 75 000 €, un prix totalement incohérent avec la valeur réelle d’une authentique (près de 2 millions €). Beaucoup de ces cartes grises usurpent même stupidement la marque « Ford » : c’est bien la preuve du caractère fantoche de ces documents puisque FORD, n’a jamais produit une seule cobra dans les années 60′. Le constructeur à l’époque était la société SHELBY AMERICA Inc. (Entreprise de Mr Carroll SHELBY).
Pour l’expert averti, la supercherie saute aux yeux. Pour l’amateur, l’illusion est parfaite.
Les conséquences désastreuses
Pour les acheteurs, les risques sont considérables. Une réplique achetée avec une carte grise frauduleuse est juridiquement invendable dès lors que la fraude est détectée. En cas d’accident, l’assurance se désengage immédiatement : le véhicule n’étant pas homologué, la garantie est nulle. Les conséquences financières et judiciaires peuvent être dramatiques, notamment si des dommages corporels sont en jeu.
Des condamnations ont déjà été prononcées en cassation, avec obligation de remboursement et destruction des papiers invalides.
Le danger ne reste pas théorique.
Un collectionneur italien a ainsi payé plus de 510 000 € pour une GT40 achetée en Belgique, persuadé d’acquérir une voiture en règle. Cette réplique était même une réplique officielle sous licence commerciale Shelby América. Ces répliques sous licence se nomment des « CONTINUATION » mais cela ne change rien à la problématique. Cet exemplaire était même une modèle spécial 50 -ème anniversaire … La solution de l’équation est dans le titre … Cette GT40 était donc de 2016 (1966 +50 = 2016). Bien évidemment, hors de question pour la FFVE de certifier que cette auto puisse être considérée comme âgée de plus de 30 ans. Au bout du compte, son propriétaire (résidant Français) ne pouvait briguer qu’une carte grise normale; que l ANST lui refusa (puisque pas de COC pour cette automobile).
Lorsque les démarches administratives ont révélé la fraude, il s’est retrouvé avec un véhicule inutilisable, sans valeur marchande et impossible à immatriculer (l’affaire a été confiée à son avocat). Une mésaventure qui illustre la gravité du problème : ce ne sont pas seulement des passionnés trompés, mais parfois toute une épargne qui part en fumée.
Les comparaisons sont parlantes : acheter une Cobra avec une carte grise frauduleuse, c’est comme acquérir une maison construite sans permis de construire ou une Rolex contrefaite vendue au prix fort. Tout peut s’écrouler du jour au lendemain.
Un problème qui dépasse les Cobra
La fraude ne concerne pas uniquement les Cobra et les GT40. Les Porsche 550 Spyder et 356, rendues mythiques par James Dean, sont elles aussi largement copiées. Beaucoup reposent sur des bases de Coccinelle Volkswagen, avec des cartes grises inadaptées. Les Jaguar type C et D, ou encore certaines Ferrari Daytona, font également l’objet de répliques vendues avec des papiers douteux. Dans tous les cas, la mécanique frauduleuse est la même : créer artificiellement une identité administrative pour des véhicules qui ne devraient pas circuler sur route ouverte.
Un marché trompeur, même dans les salons prestigieux
Le phénomène ne se limite pas aux petites annonces en ligne.
Les salons de l’auto spécialisés accueillent régulièrement des vendeurs de véhicules aux papiers frauduleux. Certains professionnels, par ignorance ou par cupidité, ferment les yeux et exposent ces voitures comme si de rien n’était.
La comparaison est brutale mais juste : c’est l’équivalent de mettre en vitrine une Rolex contrefaite ou de vendre de la viande avariée.
Benjamin Déchelette, un lanceur d’alerte
Depuis 2019, Benjamin Déchelette s’est imposé comme l’un des rares spécialistes français capables d’homologuer des répliques de Cobra et de GT40 en toute légalité.
À la tête de Bourgogne Auto Classic, il a déjà réussi à immatriculer près de quatre-vingt-dix Cobra conformes en France, un chiffre considérable dans un secteur où nombre de professionnels peinent à en homologuer ne serait-ce qu’une seule. Cette réussite n’est pas le fruit du hasard : elle s’appuie sur une connaissance technique approfondie, acquise au fil des ans grâce à une documentation d’époque rare, notamment des magazines américains spécialisés comme Kit Car Magazine, qui détaillent les châssis, les méthodes de production et l’historique des constructeurs.
Son parcours personnel illustre ce mélange de rigueur et de passion. Diplômé en sciences économiques et gestion, il a passé vingt-cinq ans dans l’audiovisuel professionnel avant de se consacrer pleinement à l’automobile. Autodidacte en mécanique et collectionneur de voitures américaines depuis l’âge de 28 ans, il travaille en étroite collaboration avec son associé, ex pilote de chasse sur Mirage 2000 et mécanicien de haut niveau. Ensemble, ils ont bâti une expertise unique, qui leur permet de déceler immédiatement les incohérences des annonces en ligne et de distinguer les véhicules conformes des copies frauduleuses.
Reconnu par les clubs et collectionneurs, souvent sollicité pour ses conseils, Benjamin Déchelette se positionne aujourd’hui comme un lanceur d’alerte. Sa démarche n’est pas de promouvoir son activité commerciale, mais d’informer et de protéger les passionnés contre un fléau qui met en péril leur patrimoine et leur sécurité.
Pour lui, acheter une réplique avec une carte grise irrégulière, c’est prendre le risque de tout perdre.
À propos de Bourgogne Auto Classic
Créée en 2019 par Benjamin Déchelette et son associé, ex pilote de chasse et mécanicien de haut niveau, Bourgogne Auto Classic s’est spécialisée presque exclusivement (98 % de son activité) dans l’importation et l’homologation de répliques de Cobra et de GT40.
Là où la plupart des professionnels abordent ce marché par opportunité, l’entreprise en a fait son cœur de métier, développant une expertise reconnue et nourrie par des archives d’époque et une connaissance fine des près de cent marques de répliques apparues depuis les années 1970.
En six ans, près de cent Cobra conformes ont été homologuées en France, un chiffre exceptionnel au regard de la difficulté du processus. Rappelons encore que l’homologation de ces répliques n’est rendue possible que grâce au formidable travail d’authentification de la FFVE, qui œuvre pour la défense des véhicules réellement anciens. Après cette expertise pointilleuse de la FFVE, les seules véhicules répondant aux 3 critères d’éligibilité, sont alors reconnus, après délivrance de leur attestation FFVE, comme étant des « objets du patrimoine industriel » à part entière.
Fidèle à un fonctionnement discret et exigeant, la société privilégie la qualité à la quantité et s’adresse à une clientèle de collectionneurs avertis, mais le plus souvent perdue dans la jungle des petits constructeurs de répliques et des annonces du net trop belles pour être honnêtes.
Sa démarche repose sur une conviction simple : protéger les acheteurs, garantir la légalité des véhicules et préserver le patrimoine automobile.
