ven. Avr 19th, 2024

Par IEIF

Mahdi Mokrane, Head of Investment Strategy and Research – PATRIZIA

La volatilité des prévisions économiques des derniers mois a compliqué la mise en place d’une vision prospective. Trois conséquences de la crise sanitaire peuvent cependant être observées : la crise devrait provoquer une récession sans précédent, accélérer certaines tendances préexistantes mais aussi nous amener à repenser des éléments que l’on pensait acquis, notamment la place prise par l’urbanisation et les grandes métropoles qui étaient sorties renforcées de la crise de 2008.

Pas d’uniformité de l’impact : L’analyse des mesures fiscales et monétaires prises dans chacun des pays permet d’observer des impacts et des conditions de reprises différents en fonction des territoires, ainsi en Allemagne où les mesures de distanciation n’ont pas été de même ampleur qu’en France et où les mesures d’accompagnement fiscales sont massives, les conditions semblent plus favorables pour envisager une reprise en V.

La crise comme accélérateur de tendances : Trois principaux secteurs immobiliers semblent sortir gagnants de la crise sanitaire. L’immobilier résidentiel semble avoir sa très forte résilience comme en témoigne les signaux issus de la bourse mais aussi la bonne performance des loyers au cours de ces six derniers mois. De même, l’ensemble des métiers et entreprises en lien avec le système de santé apparaissent plus porteurs pour la reprise. Enfin, la logistique est entrée dans la crise avec tous les paramètres positifs (taux de vacances très faibles en Europe, loyer en croissance régulière). Cette dynamique devrait s’accélérer à la faveur de la croissance du e-commerce et du rapatriement d’une partie des chaînes de production en Europe qui pourraient générer de nouvelles opportunités et une transformation du secteur.

Sur un plan plus prospectif, ce contexte inédit de la crise Covid-19 a contribué à faire émerger trois tendances :

1/ « Lower for longer/ for ever », quel sera l’impact du prolongement des taux intérêt très bas ? Si jusque dans les années 80, la prépondérance des produits taux dans l’allocation d’actifs des portefeuilles des institutionnels permettait d’atteindre les niveaux de rentabilité souhaités pour les institutionnels. A partir des années 90, pour maintenir les niveaux de rentabilité, il a été nécessaire de prendre davantage de risques et de se tourner vers les actions et les actifs réels. Cette diversification des portefeuilles semble se poursuivre au sein même de la classe d’actif immobilier lorsqu’on observe l’immobilier côté, avec la présence d’actifs de segments alternatifs au sein des portefeuilles institutionnels : data center, actifs de santé, résidences séniors….

2/ « Follow the (fiscal) money », les consommateurs devraient profiter davantage que lors de la crise financière de 2008 des mesures de relance dont vont bénéficier certains secteurs et entreprises (transports, écologie…). Ceci sera plus favorable au résidentiel et à la logistique par exemple.

3/ « Value beats growth », les classes d’actifs dont la rentabilité historique n’est pas la plus forte mais qui ont montré leur résilience devraient constituer un bon tremplin pour les années à venir :

–          Immobilier résidentiel : les taux d’occupation et les niveaux de collecte des loyers indiquent que c’est la classe d’actif qui a le mieux performé pendant la crise. L’attractivité des actifs immobiliers résidentiels dépend toutefois fortement de leur emplacement et une analyse très micro des marchés est absolument n’nécessaire.

–          Commerce de proximité : la crise sanitaire a révélé également la résilience des commerces essentiels : alimentaire et services de proximité à l’inverse du commerce discrétionnaire, touché par une érosion des marges et certaines difficultés à payer les loyers. Hormis en Asie, la fréquentation des centres commerciaux reste très faible. En effet, le Covid a contribué à l’accélération de la montée en puissance du e-commerce (exemple italien) et le phénomène semble s’inscrire dans la durée.

Et comment penser l’avenir du bureau ? Si l’on observe l’activité de prise à bail comme indicateur avancé de la dynamique du marché de bureaux, la confiance s’étant érodée et la majorité des projets étant suspendus, les trois/quatre prochains trimestres pourraient être très difficiles. Mais la demande va-t-elle flancher partout ? Pour analyser le marché de bureaux post Covid, trois variables devraient être prises compte : quel ancrage historique du télétravail, dans quelle mesure peut-il encore progresser ? quelle densité des bureaux (m²/employés), quelle capacité à appliquer les mesures de distanciation ? et enfin quel est le coût du loyer au m² ?

L’urbanisation est-elle terminée ? Lors de la crise financière de 2008, si l’on observe les niveaux de croissance par région/ville partout en Europe, le rebond fut très rapide pour les grandes métropoles alors que plus petites villes ont stagné, certaines se sont même dépeuplées. Avec la crise sanitaire, est-ce que cela va changer, voir s’inverser ? S’il est trop tôt pour répondre à cette question, les grandes métropoles vont probablement conserver leur attractivité structurelle, et l’émergence de plus petites villes dépendra à la fois du temps nécessaire pour éradiquer la pandémie et des propositions de ses mêmes villes en termes d’accessibilité et de transports. Aujourd’hui un débat s’est ouvert sur les grandes métropoles, on assiste à un phénomène à la « new yorkaise » notamment à Londres – où beaucoup d’employés ne veulent pas revenir au travail et témoignent d’une défiance vis-à-vis des transports en commun.

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